Quatrain de la diva
Aussi sûr que je vois que ma voie est ma voix
Jamais de ma vie je ne vis aussi beau vit !
A dit la diva qui y va et qui dit « vas-y ! »
– Quoi, dis-moi ce que je dois... – Eh bien y bien mettre ton doigt !
Aussi sûr que je vois que ma voie est ma voix
Jamais de ma vie je ne vis aussi beau vit !
A dit la diva qui y va et qui dit « vas-y ! »
– Quoi, dis-moi ce que je dois... – Eh bien y bien mettre ton doigt !
Voici un recueil poétique écrit en 1995-1996 et revisité en 2009 par son auteur qui prend plaisir à se faire guide, comme dans un musée. Après l'introduction générale, chaque poème est introduit et commenté un minimum; cela s'avère nécessaire sur quelques poèmes difficilement appréciables sans aide de l'auteur et reste appréciable sur l'ensemble des poèmes. Le bien fondé de sa place ici et non sur histoiredeplume.canalblog.com réside dans la présence de quelques poèmes à caractère sexuel faisant partie intégrante du recueil. La protection des mineurs faite, il me reste à prévenir de la présentation non idéale sur internet (changement de police de façon aléatoire, espace des pages pas toujours heureux, surtout pour le titre mais donnant une lecture plus confortable). Enfin, je souhaite à tout aventurier (ou aventurière) un bon voyage sur la terre Poésie!
SOUFFLE
Ce Souffle, à Elle et à Lui.
Toi qui souffre, toi qui traverse une crise spirituelle, qui cherche ton être, un sens à ta vie et peut-être une issue à un enfermement religieux ou autre qui te fus imposé par tes parents, lis ce témoignage poétique d'un tout jeune homme de 22 ans, qui ayant fini son cursus scolaire, se voit face à la « vie active » et à un choix décisif: si il quitte sa religion, il risque d'être rejeté par ses parents et se voir livré « au monde » dont Satan « est le dirigeant » – comme lui a t-on appris depuis sa naissance – enfin rejeté, exclu par la congrégation des Fidèles; si il reste dans sa religion sectaire, c'est au prix de sa liberté, avec comme fardeau l'infernale honte, l'infernale culpabilité, l'infernale peur... Il est au bord du gouffre. Seul la lecture en secret des Fleurs du mal de Charles Baudelaire répond à son coeur et l'abreuve telle une oasis. Porté par un souffle poétique, il va chercher le Souffle nécessaire à sa survie, et aujourd'hui encore l'oeuvre continue de l'alimenter, l'insuffler. Souffle incarne pour lui la Source. Cette oeuvre authentique, si souvent on peut avoir le sentiment que la forme l'emprisonne, elle s'en libère aussi. Elle est à l'image du jeune poète fasciné par la poésie qu'il découvre avec ses règles et ses transgressions, son émotion et ses secrets, passionné par toutes les ressources de la langue et la variété des formes poétiques connues, n'aspirant qu'à en inventer de nouvelles ou à innover dans l'existant; elle est à l' image de son vécu, dans le processus de libération. Aussi, il est à la fois influencé, à la recherche de lui-même et déjà lui-même dans tout son potentiel éclatant ici et là en étoiles fulgurantes, touchant ainsi dans le plus personnel l'universel. Mais sache que cette oeuvre multiforme, le poète « en herbe » la portait en lui dans un chaos d'éléments et elle n'aurait jamais été conçu sans qu'une dépression, une crise d'âme, donc sans que la Douleur, cette semence essentielle à la Vie, ne l'aie fécondée. Que Baudelaire fut un Maître pour lui, cela s'entend dans Bénédiction:
Soyez béni , mon Dieu qui donnez la souffrance
Comme un divin remède à nos impuretés
Et comme la meilleure et la plus pure essence
Qui prépare les forts aux saintes voluptés!
Je sais que la douleur est la noblesse unique
Où ne mordront jamais la terre et les enfers,
Et qu'il faut pour tresser ma couronne mystique
Imposer tous les temps et tous les univers.
Car il ne sera fait que de pure lumière,
Puisée au foyer saint des rayons primitifs,
Et dont les yeux mortels, dans leur splendeur entière,
Ne sont que des miroirs obscurcis et plaintifs!
Mais, il a été question de « gouffre » et c'est par ce poème du poète maudit, Le Gouffre, transformé en « lon gonffre » – tant il résonne en lui comme une voix profonde, d'outre-tombe – que s'ouvre ce recueil, son oeuvre salvatrice. L' «univoyellisation» (que l'on retrouvera au poème suivant, le premier vraiment de lui) n'est pas novateur comme le poète le pensait, il existe une chanson viticole, une chanson à boire, basé sur le même principe où on reprend la chanson en changeant toutes les voyelles successivement par A, E, I, O, U, OU, EU, OI, OUILLE, enfin par les accents prononcés « é », « è », ce qui donne en bref: « Buvez un coup ma serpette est perdue … mais le manche, mais le manche est revenu; bavaza ca ma sarpata parda... biviziki mi sirpité i pirdi », etc. L'état d'ivresse, la chansonnette populaire... auteurs de cette trouvaille! Poètes, soyez humbles! Mais à l'époque de sa « trouvaille », faite dans un autre esprit que la chanson à boire, le poète présent ne connaissait que « A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu: voyelles » d'Arthur Rimbaud l'alchimiste de 17 ans et « Pauv' Lulu tu m'as perdi/ t'inquiètes pas je me casse au Paradu » du poète chansonnier Serge Gainsbourg, le pudique provocateur.
Avant de lire Lon gonffre et donc d'entrer dans le lecture du recueil poétique, l'auteur d'aujourd'hui sans cesse t'accompagnant dans celle-ci avec quinze années de recul, te souhaite un bon voyage en sa compagnie.
Ponsconl onvon son gonffre, onvonc luon son monvon.
(Pascal avait son gouffre, avec lui se mouvant)
- Honlons ! tont ont onbon-m - onction, donzonr, ronve,
(Hélas! Tout est abîme – action, désir, rêve)
ponronle ! on sonr mon ponl quon ton dront don ronlonve
(parole! et sur mon poil qui tout droit se relève)
monte fons don lon ponr jon son ponsson lon vont.
(Maintes fois dans la peur je sens passer le vent)
On hont, on bon, ponrton, lon pronfondonr, lon gronve,
(En haut, en bas, partout, la profondeur, la grève,)
Lon sonlonce, l’onsponce onffronx on conptonvon…
(Le silence, l'espace affreux et captivant)
Sonr lon fond don mon nuont Dion don son dongt sonvont
(sur le fond de mes nuits, Dieu, de son doigt savant)
Donsson on conchon-monr monltonfonrme on son tronve.
(dessine un cauchemar multiforme et sans trêve.)
J’on ponr don son-monlle con-mon on ponr d’on grond tron,
(J'ai peur du sommeil comme on a peur d'un grand trou)
Tont plon don vongue honrronr, mon-nuont on non sont on ;
(tout plein de vague horreur, menant on ne sait où)
J’on non vons qu’onfon-non ponr tont lons fon-nontres,
(Je ne vois qu'infini par toutes les fenêtres)
On mon onspront, tonjonrs don vonrtonge honton,
(Et mon esprit, toujours du vertige hanté)
Jonlonz don nuon l’onsonsonbonlonton.
(Jalouse du néant l'insensibilité)
- Onh ! non jon-mon sonrtonr dons Nombres on don z-Ontres !
(Oh! Ne jamais sortir des Nombres et des Etres!)
Chonrl Bondonlonre
Le nom du poète maudit n'a pas échappé à la transformation. Le « on » lui correspond bien.
Après cet hommage, le poète naissant eut l'idée d'écrire un autre poème en remplaçant cette fois-ci toutes les voyelles par « u » correspondant pour lui à la sonorité de l'intimité, de la confidence, de la timidité. Il se fait aussi plus personnel. Un mur de silence est à briser. Travail d'Hercule...
Dans un souci de lisibilité, d'accessibilité, il est donné une traduction à ce premier poème vraiment de l'auteur, intitulé Mur.
Su j’uvu SU
(si j'avais su)
Su j’uvu…
(si j'avais)
Su j’uvu VU
(si j'avais vu)
Su j’uvu…
(si j'avais)
Su j’uvu PU
(si j'avais pu)
(Mais j'ai pas su, j'ai pas vu j'ai pas pu)
(Et je suis dans la rue de ma solitude)
(Si j'étais)
Su j’utu LU
(Si j'étais lui)
Su j’utu…
(Si j'étais)
Su j’utu VUS
(Si j'étais vous)
Su j’utu…
(Si j'étais)
Su j’utu TU
(Si j'étais toi)
Su j’utu…
(Si j'étais)
Su j’utu PLUS
(si j'étais plus)
Mus j’sus pu LU j’su pu VUS j’sus pu TU
(Mais j'suis pas lui, j'suis pas vous, j'suis pas toi)
Ut su j’utu PLUS
(Et si j'étais plus)
Ju crus qu j’suru pussu UNUPURCU
(Je crois que j'serai passé inaperçu)
Uh ! Su j’uvu utu une UZU !
(Ah! si j'avais été un oiseau!)
- N’upurt lu qul
(N'importe lequel)
purvu qu'ul VULE -
(Un oiseau qui connait pas)
Lu Biu u lu Mul
(le Bien et le Mal)
Mus j’u utu une HUMME
(Mais je suis un Homme)
(Malheureusement)
(Maudissez moi!... Je me maudis moi-même)
Mun PURUDU çu utu mu CHUR
(Mon paradis ça été ma chair)
(Mon enfer, ça été mon innocence)
J’u cupu lu Mun du ut du
(J'ai coupé la Main de... et de...)
Ju… Ju… Ju… Ju ju ju ju ju jujuju
(Je... Je... Je... Je je je je je jejeje)
JE VEUX GERBER MON CŒUR !
QUE VOUS BUVIEZ MA GERBE DE MA VIE…
UTURIUR !
(intérieur!)
Mus PUSUS qu ju sus pu DURE uvut
(Mes pensées que je sus pas dire avant)
Qu j’u pur du dure… … …
… …
… … …
De chèvres bêlant de misère
Aux ulcères de la Terre ;
Espérant qu’expire le froid de l’Hiver
Espérant de demain les champs verts,
Solidaires, chairs contre chairs,
Elles flairent sous la neige brûlante.
C’est le Ver, c’est la Famine,
C’est la Vermine des cœurs
Zélés, meurtris, animés, blottis
Dans de faux soleils éblouis ;
C’est l’Hiver qui extermine
De son sourire moqueur
Les pauvres bêtes atterries
Dans un pâté de pâtis :
Une Vipère envenime
L’âme asservie au labeur
Pour que quand gèle enfin l’Heure
Tous périssent d’un non crime !
Cette parenthèse faite, ce pied de nez à la morale chrétienne il revient au thème du silence, cette fois confrontant deux instances vues comme des entités: le dehors et le dedans. Terrible dilemme que tu vis peut-être...Il en fera un sonnet, son premier. Comme il se sent poète à ce moment!
« – Au dehors : juges, Absurde, filtres : ABSTINENCE
du doigt, mots révoltés, vomissures du cœur
de coulis de crapauds, de framboises et de fleurs…
– Souris ! travestis-toi, ô chef-d’œuvre d’OUTRANCE !
Au dedans : Psyché honteux, poupée frêle, RAGE
Du sang, de la chair, de l’encéphale et des tripons.
O coulis d’excréments, d’ambroisie et d’oignons,
Répands toi sur la foule ! Exècre CAMOUFLAGE !…
– Mais comprends-tu, nous sommes des engoulevents,
hirondelles captives des ombres. Au levant,
on devient la feuille morte, à peine un soupir…
– A peine un remuement, à peine… Que de la cire
sourdant contre l’artère figée, s’émoussant
et crevant en déguoulis de silence huant ? !… »
- …
C'est ainsi que le poète prenant de l'élan finit par s'identifier à un curieux oiseau de nuit, qui n'est ni un hibou, ni une chouette, mais l'engoulevent, ce discret oiseau ressemblant davantage à un pigeon et dont la légende dit qu'il se nourrit de lait de chèvre... Déjà, le mot engoulevent vient de « avaler ».
Le poème suivant exploite le filon ouvert. C'est le début de son bestiaire. Quand bien-même reconnaît-on la pâte de Baudelaire, l'artisan du vers y met son propre sel. Sans plus de commentaires, je te laisse te plonger dans ce « bestiolaire », car à part l'engoulevent, tous les animaux appartiennent à la classe des invertébrés. Tu y trouveras peut-être ton coeur...
Engoulevents ! engoulevent ! j’en suis engoué !
Car si vraiment j’ai son aile vivement douée
Pour tirer de l’ombre les plus belles lucioles,
Forgerais à Hantènes l’ombre d’une idole.
Envol alcyonien ! qui des animaux laids,
Du pis de chimères prétend des plus bons laits,
Où es tu caché, sylphe ondoyant aux grisailles,
Es tu devenu roi des sylphes et des broussailles ?
Mon corps tient du sépulcre dessous un tumulus
Dont l’humble épitaphe gémit : « caprimulgus,
Caprimulgus, caprimulgus… » : téteur caprin :
Oiseau enveloppé d’une haire de crin –
Personnification de mes chèvres galeuses,
Vêtement purificateur des voix honteuses ;
O bique alambiquée jusqu’au sillon de l’onde,
Va, ouvre à nu ta plaie, et ta paix sera féconde !
Regarde et fouille plus en profondeur, ma sœur ,
Un peu pour voir qui je suis, quel nom, quel cœur ;
Qui tu es – et pour ça il te suffit, entière,
De pénétrer de l’œil ma grouillante litière.
En dehors des frontières, au dedans des maisons,
Fourmille un sous-sol, place inconnue des grands noms,
Terrain brut où des soupes uligineuses et sombres
Dissimulent un monde aux biotes étranges et sans nombres.
Nous méjugeons ce gouffre acide, enténébré,
Ce chaos où se meut un peuple invertébré :
Saugrenues sont nos humilités et orgueilleuses
Nos sondes imparfaites et inductions captieuses ;
Nous scrutons par l’envers, et les choses et les couleurs
Sont visées de dessus – mauvais explorateurs !
Nous prêchons en chantant : « Haïssons le Morose ! »
Parc’ que sans doute, au bord, nous nous croyons plus Rose.
Nos yeux ne voient du fond qu’un vaste enfer Bestiol –
Nichée du Grand Bousier ou suppôts du Schéol –,
Plein de bébêtes immondes – pensez aux tourne-pierres,
Puters nasus et Branchynus nauséabonds,
Aux larves : asticots et vers blancs de hannetons…
Mon Dieu, mon Dieu ! et pourquoi pas les vers de terre ?
Mon cœur et cerveau, humus plein de bestioles,
Aspirent à ce Génie substantiel qui console : …
Je ne sais plus son nom, insectes du méandre.
Fée ? ou sylphide ? ou gnome ? ou sylvain ? ou salamandre ?
Seul je quête un nain du gigantisme animal
Que son œil et sa main – ni le bien, ni le mal –
N’ont touché ou vu dans la pénombre immense,
D’extraordinaires animaux nés du schéol
Dans une aube embellie du silence des lucioles.
Pouvez-vous évoquer ? le souvenir me tance.
- En batifolant nus, ces naïfs embryons
Impuissants du Ténèbre, ils jouissent des rayons
Et se colorent une âme ouverte et amenée
Au soleil primitif, les yeux illuminés ;
Ils ont pour ami d’inaccessibles inconnus,
Pour berceau l’esprit familier tombé des nues…
Puis, un jour, on ne sait trop comment ni pour qui,
Après avoir gobé, sucé tout l’infini,
Le sol est altéré, l’âme est corrompue ;
Le soleil a noirci, bientôt la chair à nue.
Oui dans le berceau, comme fraîchement cueillie,
Y a comme un nouveau parfum, d’une rose flétrie ;
Chose écarlate et amer, on la sent qui monte
Et viole voracement : c’est, fleur nue, la honte !
Cohue immonde, et inerme, consternée,
Voilà une bête énorme et des moins innées.
Mor-moder-mull… Mull-moder-mor… O ma conscience !
Je chéri d’affection tes baves et braveux sens.
Tu ne sais pas ce que tu dis …
Tu dis ce que tu ne sais pas…
Les orémus ! O les orémus !
Mais il dépasse cette peur et continue de plus belle, entrant de pied ferme dans l'univers des animaux mous, tels les mollusques, dans notre coeur invertébré mais plein de vie.
Dans leurs branlantes maisons ; ce sont les escargots :
le plus timide des animaux « inférieurs ».
Ah ! l’escargot !…
Quand il sent son âme abandonnée de la nixe,
Rarement sur les routes, il préfère un coin sûr,
Une vieille façade ouillée de lierre hélix
Où son pied musculeux, ventouse nue, se fixe,
L’œil tentaculaire alangui d’un ciel impur ;
Lorsque soudain le ciel se charge de mouillure,
De joie clignotent au regard de la nixe
Ses molles lorgnettes et ses mains téléospixe,
Et puis, étourdiment, il part pour l’aventure,
Mais titube et se perd tout au devant du risque.
O limaçon, où es tu né colimaçon ?
Serais-tu plus vulnérable qu’une limace
Dessous ta carapace en fou colimaçon,
Ou n’es tu pas d’esprit assez vif ou sagace ?
O limaçon, où es tu né colimaçon ?
Voici malédiction : l’hiver frappe à ta porte !
L’effroi s’amibelise en cachette qui ment :
Ton cœur coagulé, secret que Sang supporte
Mal, aux cieux prétend qu’une chaleur de cloporte
Y règne et que tu dors bien commodément ;
Menteur ! mollusque ! amibe ! on traite de la sorte
Ta chair spongieuse qui connaît l’enfantement
Des baves spumeuses et de l’anus l’excrément,
Mais n’avoue – soie d’orgueil – le miel de son aorte
De peur qu’une glu bleue se moque d’un dément.
O limaçon, où es tu né colimaçon ?
O toi dont le fou ris n’atteint pas sa grimace,
O toi dont la sagesse est tue d’esprit salace,
O toi qui pur, qui droit se moque du Démon,
O toi qui toujours craint et se rit du renom,
O limaçon, où es tu né colimaçon ?
Tu es plus bouffe et plus veule qu’une limace !
Cela commençait plutôt de façon sympathique, ça n'a pas duré longtemps!
C'est là l'escargot plein de richesses intérieures et qui les cachent dans sa coquille et dit « je suis sans intérêt, n'approchez pas, je ne suis pas digne d'amour, ou moins qu'une limace qui elle n'a pas la chance que j'ai d'avoir une maison, passez-votre chemin, y' a rien à voir! » Et il s'accuse, plein de non amour pour lui-même.
Ah, le poète novice, mais pas sans vice, croyait avoir tout dit de l'escargot, il ne soupçonnait pas les surprises qu'il lui réserverait, l'hermaphrodite...
Il va maintenant parler de la grande limace rouge ou loche rouge connue sous le nom latin « Arion rufus ». Va-t-il être plus clément avec lui? On peut l'espérer, le dauphin l'a été avec Arion de la Mythologie.
Arion
Es-tu philosophe des éponges rouillées,
Des vulgaires poumons, mous cerveaux des roches ?
Es-tu métamorphose de miasmes souillées,
Beau lyrique d’Arion ? Ton cœur se vante aux loches:
« Je n’ai ton handicap : lenteur et nudité ! »
Ah oui ? Montre la splendeur de ton palace…
Non plus poilu qu’un gland ! Sous ton pied ampoulé
Y a t-il des canaux vidangeurs de ta crasse ?
Ou est-il moins morveux dans ce ciel bourbeux
Où les arions rouillés escaladent un long tertre,
Laissant de longues baves traîner derrière eux ? »
Nos limax, s’ils n’ont pas ces accessoires enroulés
Que portent leurs cousins, ils couvent un milliomètre !
Un déroulement de dédaléennes pensées…
A vue de nez, les limaces sont de vrais labyrinthes mentaux. En tout cas il faut bien distinguer Arion, poète lyrique grec né à Lesbos au VIIème siècle avant JC et qui d'après Hérodote fut jeté à la mer par des pirates et sauvé par des dauphins que sa lyre avait charmés (d'après Larousse) et Arion rufus, rouge de colère, bavant sa lave de mollusque, sans doute parce qu'il aimerait bien entendre de sa lyre au lieu de jouer au « philosophe des éponges rouillées » et se vanter aux loches en disant ne pas avoir leurs défauts. On dirait que le poète ne s'aime pas plus sous forme de loche...
Candidat suivant? Une bestiole avec un nom à faire hululer les chouettes: le iule. Lui au moins, il a des pattes, et pas qu'un peu. Il a mille et une pattes! C'est pas vrai. Il en a même pas mille lui qu'on appelle le mille-pattes, mais l'extraordinaire c'est que l'animal il mue, et à chaque mue – pof – il s'allonge d'un anneau. C'est on peut dire le Seigneur des anneaux: quatre nouvelle pattes lui poussent à chaque mue, une paire à gauche, une paire à droite. Plus il vieillit plus il a de pattes. Et en plus, il se démocratise de plus en plus, son élevage. Excellent détritivore pour faire du compost, un animal super écologique. Apparemment, nous tenons le candidat idéal.
Le iule
« Iule ! iule ! iule ! ton corps est hideux –
hideux ! hideux ! hideux ! du cul aux mandibules
je te répugne ! Avec tes béquilles par deux,
on dirait mille éclopés quand tu déambules !
Cache-toi et fais le mort ! tu es moins scabreux. »
Ainsi parlent mes membres tant, moi, le iule
(Lulus ligufer), résidu des lieux ombreux,
A une démarche on ne peut plus ridicule.
Dès qu’on me touche, intimement, je me sens Cible :
Ça me pique, pique, fait mal, désarticule
Tous mes tendres os comme sous la forcipule…
Et hop ! je me love dans mon cœur trop sensible.
Et j’attends… j’attends… Quoi ? que le danger recule.
Mais s’il s’approche, mord, il sent ma puante bulle !
Ça, c'est sympa. Non, mais faut bien se défendre! Quand même, en tant que Seigneur des anneaux rivalisant avec le lombric qui , lui, est dépourvu de pattes, il était prometteur.
Il manque dans le poème une forcipule pour faire la paire (de forcipules). Heureusement! Ce qui l'a perdu, est-ce de ne pas connaître son futur nom latin: « Tachypodoiulus albipes » depuis l'ère internautique, faut le croire, et non « Lulus ligufer » comme le dit Tout l'Univers la référence du poète alors? » A moins que ce soit d'avoir ignorer la gloire du troyen Iule dans la mythologie grecque et latine qui de par ses exploits sous son nom Ascagne fut appelée Iulus, « le petit Jupiter, lui encore qui selon Virgile était l'espoir des Troyens survivants de la guerre de Troie, adoré de son père Enée et sa grand-mère Aphrodite.
Rien à faire, le poète est perdu, il n'a plus qu'à s'enterrer. N'être rien qu'un ver – vivant sous terre, pas « de terre » – c'est encore ce qui lui convient le mieux à ce stade là.
Sous le poids de la menace et de l’inconfort
dans l’obscurité et le froid des annélides,
Dans les couloirs où il pleut du torride
Je m’enfonce et ailleurs je puise réconfort.
Oh je creuse et rentre et me cache, oh ! je me cache
Et de mon univers j’inspire le Canon
Quand au bord de mes rêves détonne un canon.
Je m’enroule de portes en laines ! oh ! suis-je lâche ?…
Creusons, creusons encor tant qu’il y a un espace,
Un enclos viable pour un seul bactérien,
Tant que sous la ruine y vivote un palace
Pour en attendant haleter l’air de rien,
Sous peu que du sang vert s’engouffre dans ma chambre,
Et sous peu qu’il obstrue maints paradis des yeux,
Sous peu que sous peu que sous peu que… oh ! foireux !
Sous peu que je ne sente vibrer qu’un seul membre,
Je n’ai rien vu ! je n’ai rien vu ! je n’ai rien vu !
Graciez un fou, un ver daltonien ou cyclope,
Si au mieux il n’est pas un aveugle ou myope :
Je n’ai rien vu ! je n’ai rien vu ! je n’ai rien vu !
Va t-il se résigner à ce malheureux sort ?
On ne sait pas ce qui lui arrive tout à coup, mais un élan vital surgit, la parole tapit au fond du souterrain de lui-même, et révèle ce que cache le « mal » en ce penchant sur le cas de la lithobie, qui vit littéralement « sous pierre », ou symboliquement en prison. Il prend le meurtrier en compassion et repense aux vers de Baudelaire:
Je suis la plaie et le couteau
La victime et le bourreau
Il le fait avec force, quitte à déplaire aux puritains avec « le ennemi », quitte à utiliser plusieurs langues, imiter encore Baudelaire pour lancer un puissant « pourquoi ».
La Lithobie
Surtout très pitié pour toute sa terreur,
Mais du tout je n’ai pleurs, ou alors ils SONT par lui.
So good God, why, por qué, pourquoi tant de fureur ?
En toute clairvoyance, où est le ennemi ?
Je perçois dans ses pinces son propre cœur…
En vain j’ai cru voir des yeux de meurtriers,
Parce qu’au tréfonds, j’ai vu : un Cœur frémit,
Et où des saints, des pieux l’ont damné en Maudit
Je glisse une fleur simple: ici son cendrier.
- Sa mort fut très juste ; amuse toi, petit !
Ebruita la Vertu en me voyant plier ;
Oh ! je sentais mes membres se multiplier –
Et, lourdement, mon ventre rampa tout petit…
Ainsi, le poète, plein d'une énergie nouvelle trouve dans la lithobie, myriapode prédateur, contrairement au iule, une raison de parler, de s'exprimer, de faire en un sonnet à l'envers un plaidoyer contre la peine de mort, mais qui va au-delà, en montrant ce que la justice sous la voix de la « Vertu » tue en lui, et la métamorphose est là pour nous dire combien le corps ne ment pas. Il pressent que le meurtrier, le prédateur est une partie de lui-même, que celui-ci détient une énergie qui est fondamentalement la même que celle qui est en lui et que c'est cette même énergie, ses pinces, que lui, poète, exerce contre son propre coeur.
La lithobie n'est toutefois pas le candidat rêvé. Le candidat c'est contre toute attente le lombric, auquel le poète s'identifie pleinement. Pourquoi? Plongeons dans la ce qui le caractérise.
Le lombric
Est le souverain nu du vide et la matière ;
Jamais il ne sort, trop sensible à la lumière,
Sans un intestin plein dérangé, foi de lombric !
Pour du fond de sa tourbière se libérer,
Il se joue de soies rudes et de puissantes émules,
Le chemin absorbe en son corps invertébré,
Et jamais il n’arrête et jamais ne recule
Jusqu’à ce qu’il s’aère aux espaces luiseux.
C’est là que ses immondices, vidées des reins,
Pour un bien pourrissent en tortillons vaseux
Tandis que lui replonge dans ses souterrains.
Je suis ce prince des annélides visqueuses !
On dit que je suis sourd et que je ne vois rien,
Qu’il faudrait me dénuder aux créations vicieuses
Et seulement me vivre un peu plus en terrien.
Je suis un ver de terre amoureux des Nuées !
Il me faudra, à moi, ainsi que la serpule,
Un million d’helminthes ou un million d’années
Avant que d’un poison mes deux cœurs s’emmascule.
Suis un vieux ver, lourd d’anneaux, aveugle et lubric,
Et qui jamais, tout nu, du vide et la matière
Ne sortit et vida – trop sensible à la lumière –
Son intestin plein dérangé… – foi de Lombric.
Alors, pourquoi le ver de terre fait-il ce piètre candidat? Un ver de terre au soleil s'asphyxie, car il respire par la peau à 100% si, et seulement si, elle est humide, et le souffle, c'est la vie. – Mais cette raison ne tient pas face au poème qui dit que le lombric fuit la lumière. Or, c'est la chaleur qu'il fuit principalement. Si il pleut, même en plein jour, le lombric sort de terre. Il n'est pas ébloui à ce point. – Tu as raison, cher lecteur, c'est un ver de terre spécial, unique, hors-norme. Le poète aime les Nuées, nuages chargés de pluie. T'en connais beaucoup, toi, de vers de terre amoureux des Nuées? L'humidité est son souffle comme Souffle celui du poète. Ce n'est pas la lumière qui l'attire, c'est la promesse de l'humide dont il a tant besoin qu'il voit dans les nuées grâce a ses cellules spéciales situées partout sur son corps et lui servant de yeux. - Mais, tu dis que toi tu n'es jamais sortit à la lumière. Oui, le poète – remettons-nous dans le contexte - ne veux pas qu'on le voit nu, démuni, surtout pas ses parents. Le silence, la solitude dans la souffrance l'étouffe encore. – Bon, mais, foi de Lombric, c'est quoi ses deux coeurs qu'il ne « s'emmasculeront » jamais, c'est pas correcte. – Le poète sent, il a un intuition, mais il ne comprend pas toujours ses découvertes quand au sens profond. De même, foi de Lombric, il ne faut pas s'arrêter à «il se joue de soies rudes et de puissantes émules », le poète a des fois des choses incompréhensibles qui lui viennent, du moment que c'est beau il accepte. Vois-tu, il était quand même persuadé que « émules », semblables aux anneaux du serpent qu'il pensait s'appeler « émules » mais plus gros, était le bon terme pour les muscles du ver de terre. Pour ceux qui préfèreraient « curules » ou « cupules » ou « testicules », pourquoi pas, rien ne les empêche. Seulement l'inspiré n'avait pas tout à fait tord: si les lombrics comme les serpents ne possèdent pas d'émules, sauf peut-être au sens figuré, les lombrics possèdent bien des cuticules – ce qui est proche phonétiquement– et des soies qui lui servent de muscles. Pour en revenir aux deux coeurs dont il dit qu'il leur faudra en gros des millions d'années avant qu'un poison les « enmasculent », et non les « émasculent » les châtre, ôte leur force, ce qui est sans doute vrai de façon intrinsèque, sous-entend qu'il n'abandonnera pas son coeur déchiré en deux à la tyrannie masculine dominant encore largement le monde depuis des millénaires. Le poète pensait bien sûr au patriarcat de la Bible dont « sa religion », celle de ses parents, était imprégnée. N'oublions pas que le lombric est comme un phallus tout le temps en contact avec la terre humide, il est en contact avec le féminin, mais il n'a pas encore conscience que ce qu'il exsude de tous ses pores, il l'a en soi. Il a peine conscience que cela l' empêche d'assumer son sexe par rapport au monde et au féminin, à la femme.
Maintenant, si tu a bien suivi le vieux ver, il t'a emmené à la porte des fourmis.
Formicus
Véloce
Féroce
Rouge ou noir
La fourmi hantée du nonchaloir
La fourmi démente dans son nerf
Affolée
Irritée
Seigneur ou serf
La fourmi démente dans son nerf
La fourmi très humble dans l’orgueil
Prétentieuse
Et pleureuse
Bien ou écueil
La fourmi très humble dans l’orgueil
La fourmi égoïste ! O bonté !
– Violence
Indulgence –
Pleure éhontée !
O fourmi égoïste ! ô Bonté !
Mara ou Naomi
Antique fourmi
Peu importe qui t’accuse
Rome ou Syracuse…
Puisque Fourmi !…
Pareillement à « émules » du lombric, ne cherche pas la petite bête dans Naomi ou Syracuse, sinon, tu accuses le poète. Ne t'a t-il pas dit qu'il était une fourmi pleine d'ego?
Mais le poète sait aussi faire le phasme. Qu'est-ce à dire?
Le phasme
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Le phasme est un fantôme
Le phasme est un mensonge
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…………………………………….
Le phasme est un mensonge
Le phasme est une énigme
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…………………………………….
Le phasme est une énigme
Le phasme est un mensonge !
……………………………………
……………………………………
Le phasme est un mensonge !
Le phasme est un mime !
……………………………………
……………………………………
Le phasme est un mime !
Le phasme est un phantôme…
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Le phasme est un phantasme
Le phasme est un phantasme
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Le phasme est un phantôme …
Le phasme est un phanfôme
Le phasme est un spasme
Le phasme est un spasme
Le phasme est un fôphasme !
………………………………………
LE PHASME EST MORT …
Cher lecteur, tu n'es pas mort. Ton coeur doit seulement reprendre souffle comme le poète qui était à l'intérieur d'un labyrinthe intérieur, il lui fallait sous peine de s'asphyxier, reprendre son souffle, sortir du bestiaire, et dire « assez », sortir ses tripes dans une forme plus libre.
Là est né le poème éponyme du recueil et qui ouvre sa deuxième phase. Il remercie Jacques Prévert au passage, de par son inspiration régénératrice.
Souffle
Assez
Assez
Assez de la vie
Assez
Assez des taudis
De la Rime à rien
De la frime à tout
Des moches tableaux
Des tabous et des tombeaux
Du beau encrapulé
D’immondes grossièretés
De l’hors de l’Art et des dollars
Assez
Assez
Assez du show mariceulux
Des messe-de-loups et de vollusques
Des porcs épiques
Des vaches-grasses élevées de vaches-maigres
Ces vils naigrichons noirs bondés d’estomacs creux
Ces portraits faméliques crève-la-faim sous les yeux…
Assez
Assez
Assez
Assez
Des cris sanguinolents sous les décombres
De l’ivresse funestes bombes
Au raz des villes et au raz des champs
Assez des pharaons aux sceptres de sang
Et des cobras de piètres magiciens
Des boas constricteurs
Des pitons piqués dans la conscience
Des massacres au nom de la science
Au nom du vice
Au nom de la peau
Au nom de Crésus d’Allah Barbie
Au nom du Père du fils et du Saint Esprit
Et après tout ceci tout cela et tout ça
Assez des sublimes discours
De crapauds à puants papots
Qui jabotent et confabulent à la foule
Caca pipi popo
Et tous d’applaudir avec les pouces
Avec des bulles à saint esprit
Attendant leurs métamorphoses
En capotes empuanties !
…
Enfin assez
Ayez pitié
Ces pleurs d’oisillons dans les coquilles
Coquilles-coquilles-coquilles d’œufs
Peureux et pleureux
Coquilles aux oisillons enfermées
Coquilles cassées…
Assez d’assez dit d’assez entendu d’assez parlé
Les oiseaux en ont plein le bec plein les plumes plein les yeux
L’innocence comprend pas et ne peux
Comprendre l’affreux
Ziozios se contentent de voir de rire et de pleurer
Et aussi de chanter
Par instinct de l’âme
Nulle personne ils ne blâment
Ils se contentent d’espérer de voler de chanter à jamais
Ils me l’ont dit une fois dans la forêt
Moi pris de haine et de colère
Je vociférai au ciel
Assez Assez
Quel chantier que cette Terre
Ce singathèque d’os trains lents piteux de néant d’Ertal d’homo débilis d’homo irritus d’homo sapeurs pompant !…
Etc…etc…
J’étais très très colère
Dieu soit loué
Malgré ce jargon
Les oiseaux m’ont compris
J’ai faillis me noyer dans leurs larmes
Et que ce fut beau
Quand ces candides âmes
Que ce fut beau
Ils s’unirent pour me sauver
Sur leurs ailes ai pu voler
Que ce fut beau
Que ce fut beau
Ils m’ont consolé bercé
Leurs ailes
C’étaient le Rêve et le Songe et la Douceur
La Liberté
La plume volante
La plume pansante
Le bon vivre de ne plus être
De Naître OISEAU
Oiseau…
Oiseau…oiseau…oiseau… pensai-je
Oiseau oiseau oiseau
Oiseau oiseau oiseau oiseau oiseau zozozozozo
Et tout à coup
Me voici Homme
Par terre
D'où montaient mes larmes
Que ce fut triste
Que ce fut moche
Ils m’ont compris malgré tout
Sans que j’eus dit un mot
Sans épancher un cri
Enfin Heureusement
Ils m’ont tenu ce doux langage
Ce doux langage des oiseaux
Cui-cui cui-cui…
Enfin j’ai compris
Que c’est beau ce qu’ils m’ont dit
Voici :
Ces humains…
Ils savent aimer malgré tout
Ils ont l’art des baisers de l’Amour
Et ils s’amusent des Muses
Ils créent du beau quand ils usent
De la lyre du pinceau et de la plume
Assez du reste et tout le moisi
Droit à la pause et à la Poésie !
Ce souffle régénérateur a provoqué toute une vague d'inspiration nouvelle, à commencer par une célébration de cette renaissance. Toute renaissance est une naissance...
Naissance
En baillant comme une taupe on sent du nouveau.
C’est ainsi que je me suis aperçu du jour,
La gueule béante et les yeux d’un nourrisson
Près à tout avaler tant la faim du nouveau
Creusait de volupté l’estomac du regard ;
C’est ainsi que les premiers rayons engloutis
Par dessous les volets, tout ému du sommeil,
Comme d’un sein gorgé le blanc et divin lait,
Du petit déjeuner l’éternelle douceur,
Etirèrent mon corps et en firent un soleil.
J’ai ouvert grandement les volets et mon cœur
N’a pas bougé, mon corps n’a crié, ni retentit –
D’un élan simultané nous avons explosé !
Un œil joyeux dans une bouche de lumière,
La nature apparue et moi son nouveau né.
Un matin butinant le miel qui fredonnait,
Le vent azuré voletant aux oiseaux,
La musique donnant de son aile enjôleuse,
Le parfum des calices nommant les couleurs,
Je courus bras ouverts dans ce printemps matin.
Pas étonnant que le printemps soit à l'honneur dans le poème suivant qui a la particularité d'ouvrir la prose dans le recueil. Aussi, le ton le plus personnel immerge.
Ailes, azur, jonquilles, forsythias, frondaisons, gazouillements !… Qui ne s’est jamais senti revivre à l’annonce des jours printaniers ? Qui n’a pas ressenti cette flamme de fraîcheur, un jour, surgir tout à coup comme une fontaine de jouvence ? Qui n’a pas une fois entendu une sève miraculeuse s’élever en soi ? Elle disait : « Voici, regarde ! tout est possible ! tout est pour toi et avec toi ! » - finalement, nous frémissons comme les feuilles et les fleurs naissantes ; nous imitons aussi la bête, ivre, sourdant de sa terre ; et l’oiseau, pour qui c’est bonheur de chanter à tous, de rouler, pirouetter dans l’air bleue – merci fidèles messagers ! compagnons ! – qu’aimerions nous l’accompagner !… D’ailleurs, ne sifflotons nous pas à leur instar ? Et si nous ne volons encore qu’en rêve, ne sautillons nous pas au moins aussi bien que la bergeronnette ?
Il y a dans ces jours que, de grâce, il me semble ne pas être plus maladroit qu’une poule, moi. Je m’en étonne, mais je fais la fine tête d’hermine : après tout, il est dans son cycle naturel d’aimer la vie une fois l’an. Sinon, nous serions tous morts !… Je veux dire que sans ce souffle régénérateur – lassitude ! lassitude ! – on ne tarderait pas à rencontrer la misérable condition du vermisseau ou de ces lombrics – décrépitude ! décrépitude ! – qui n’ont ni la force ni le goût d’excrémenter en surface – ne parlons pas de la fertilité !
Ah ! jouvence ! jouvence !… Jouissance ! Oh ! Partons cueillir ces fleurs idéales, et que leur parfum dure à loisir ! …
Je vais composer un bouquet. Un gros, un frais, un fier, un magnifique bouquet de printemps. Je le donnerai aux oiseaux. Je dirai qu’il y a une surprise, un cadeau pour eux. Oh ! Je les vois ces yeux naïfs et curieux, cette tête vagabonde et ce bec bavard. Ça va gazouiller !… Le sait-on ? Ces petites boules à tout voler ont de la joie à revendre, mais le moindre petit bijou qu’on coince entre leur bec suffit à donner du tendre en retour.
J’aime ! j’aime le printemps et ses oiseaux ! Exubérance ! séduction !… Il est plein d’amour.
Mais cette fête est troublée, l'enthousiasme chassé par une vision cauchemardesque, vision apocalyptique qui fait écho à « Chimère » et à Armaguédon, la guerre de Dieu qu'il craignait tant et qui a donné le titre d'une de ses oeuvres. En prose toujours, c'est le volet « mort » après le volet « vie ». le poète s'exprimera ainsi dans une autre Har-Maggédon en parlant de celle-ci: « les oiseaux étaient mes amis. Mais à nouveau, brûlant contraire, je vis le spectacle de l'infamie. Dieu est un artiste: tous ces oiseaux morts pour engraisser la terre et y faire éclore, pour la Nouvelle Humanité, ses merveilleuses fleurs du paradis. »
Lisez plutôt:
Je dormais.
Puis comme réveillé, en dormant… je ne sais plus,
Je voyais et voici j’ai vu : la Terre
Une patrie de cadavres d’oiseaux , un paradis d’empyreume pestilence, une putréfaction de sanies dégoûtantes – vert de vessie et cramoisi d’Alizarine.
Oh ! Tout ces corps flasques, bleuets’ sirupeux, calleux, froids pétris des chenilles cyclopéennes crapahutant dévalant force montagnes boueuses, tachées de foudre et de sang !
Le smack de leurs ventouses exprimaient tremblements, tourbillons venteux de trombes d’éléphants .
Ha ! Les rameaux défeuillés ! Pouah ! le sol, les cadavres encrassés… Beurk !…de pourpres tentacules léchés !…
C’étaient des laves poulpeuses de larves fétides et brûlantes.
Elles coulaient sur l’ultime bave des sexes roides encore des oiseaux.
Oh ! Dire que jadis ils chantaient ! mal ou mélodieusement...
Mais ils chantaient ! Et en cette heure les becs crachent les fils électriques de leur guitare répondant plus… répandant du sang !…
Oh ! j’ai vu ! j’ai vu, et voici que tout autour les mers pullulaient de mille-pattes marins – beurk !
Ils montèrent des abysses voraces comme des baudroies, fantassins de tortues océanes… déluge de sauterelles, descente de piranhas.
Ha ! Des myriapodes scatologiques les mille-pattes avançaient en butinant l’hymne à la vie, tout en nettoyant dessus l’invasion des chenilles tordues et fourbues – Ha ! myriades pattes, mandibules affamées de sang sur ce champ fleuri d’immortelles odeurs : - Pouah ! Senteurs des dépouilles mortelles !… Oh… ! Ho ! Le pullulement de la mort !
- Le pullulement de la paix !…
Mes chairs, il le fallait Pour que le sol nouveau donne excellent humus ; pour que la terre cultive les enfants, les enfants d’après-guerre ; pour la postérité, il le fallait ; il le fallait bien, aussi, pour donner les succulents cactus de la postérité ; il le fallait quand même – pour les fleurs de l’éternité !…
Mais… et les oiseaux ?
Fi !… Y’a pas de fientes sans oiseaux !
Et sans oiseaux pas de souffle !
Et vos fleurs du paradis vont pousser… Ne seront-elles pas toutes rouge SANG ?…
Ah ! vos fleurs du paradis : HO BEURK PU POUAH HA FI !…
Après l'exaltation et la révolte combinées au dégoût, l 'échappée dans la Nature, la seule issue de secours du moment, le recueillement, seule attitude viable pour lui à ce moment là. Perdu, il l'interroge, se confie à elle comme à une amie ou une épouse.
Recueillement
C’est la Nature, la feuille, l’azure, la plume, l’eau, l’effluve que je contemple. Et elles, Elle… elle me regarde avec la même curiosité ? Je fais corps avec ? Je fais partie de leur paysage ? familier ? J’ai du charme ? Je la séduit ? Elle m’aime ?
Oh ! tu m’aimes ? Est-ce que je suis de votre spectacle amouré ? Vous êtes attachés à moi ? Oui ? Oui ?…
Pardon choses, pardon arbres et animaux de ma curiosité
Pardon l’air de vous toucher la peau sensible
Et vous aussi brins d’herbe
Pardon couleurs de vous découvrir si pudiques
Pardon formes de vous révéler
Pardon de vous nommer
Pardon de vous aimer
Oh ! que je dis ? Pardon de vous surestimer
Pardon insectes, me piétinant moi-même…
Je ne sais plus…
On me dit : va vers la fourmi !
Mon corps réduit,
J’entre ses galeries
Et je suis la Fourmi…
On me dit : va vers la limace !
Corps tout dégueulasse,
Je vas après sa trace
Et je suis la Limace…
On me dit : va vers la chenille !
Mon corps s’habille
Je monte sa brindille
Et je suis la Chenille…
On me dit : va vers le cocon !
Mon corps, flocon,
S’endort comme un flacon
Et je suis le Cocon
A la fin on me dit : tu es qui toi ?
– Un perdu
Un loosen
Un quelqu’un
Un quelqu’autre…
Qui vous voulez
Moi peut-être
peut-être…
Dites le moi si je vous gêne, vous ennuie, vous suis… Je serais vous être soumis ; taisez vous s’il vous plaît de me ressembler, vous me serez en estime ; mais si par un mouvement volontaire, de pur instinct, vous croyez utile de chanter, ne serait-ce que d’un pépiement timide, ou des messes mélancoliques, à moins que vous soyez plus entrains à siffler des chansonnettes…faites ! Je vous écoute ! le cœur entier. Car quoiqu’il et de quelque façon qu’il en soit, vous rendez grâce à ce… vous le savez… mon silence impénétrable ; ayez la sagesse d’être simples, sans cachotteries pour moi, et sachez qu’au contraire je resplendis d’un singulier contraste tout autant qu’harmonieux, quand chaque fois, divaguant ça et là parmi vos arbres et vos cieux, un son furtif de vous me transperce et me transporte, me rappelant ces précieux instants : un pas, un regard, un souffle, quelque chose d’échangé et remplissant l’incommuniqué…
Tenez, prenez ma main – avec pudeur ou non.
A l'image des végétaux déhiscents, les mots sont partis au vent comme des graines. La graine tombe sur la terre, mais parfois il arrive qu'une graine veuille se noyer dans l'eau: étang, lac, rivière, fleuve. Ainsi, le poète s'immerge tant dans la Nature qu'il n'aspire plus qu'à y retourner plutôt que de faire germer sa parole souffrante sur le sol. Il veut retourner dans la Matrice.
J’ai craqué pour le teint de tes Yeux
Immenses sauvages sereins malheureux
Comme tu lui ressemble au ciel songe
Mon ciel tant plein de larmes éponges
Regard d’eau trouble
Tu me connais pas
J’en suis sûr que tu m’aimeras
Dans ton ventre
Dans ta Matrice d’eau trouble
D’eau sombre
FROIDE…
FROIDE…
Ca me réchauffe ça me réchauffe
L’eau coule coule… Coulant et coulant
Tu couleras toujours n’est-ce pas
Moi aussi
Je deviendrai Eau
Tu me séduis
…
Tes multiples mouvements
De jeunes rides hérissées
Coques d’eau nonchalantes
Ondoient mon long fleuve de pensées
Si je t’ai séduis
Lis dormeur et désarmant
…
Noies ta sonde de sagesse
Dans ma houle ma houle de sentiments
O Loire de ma jeunesse
Conserve en ta Matrice mes ossements
Et vous prompts cannibales ailés d’ivres perles
Pleurez avec moi Mouettes rieuses
Oui ensemble Mouettes sveltes et rieuses
Pleurons sur l’eau grise de sanguines perles
Et vous Goélands flottants sous les nuages
Vous qui virent au moins une fois Mésanges
Donnez moi deux ailes et verrez Ange
Flotter avec vous dans un ciel sans Nuages
Mélancoliques Cormorans que l’on voit à peine
Lointains dans les branchages de l’autre bord
Etes aussi un de ses compagnons de bord
Ensemble mourons dans cet’ fluide peine
Vite MOURONS ensemble
Mourons ici là au sein CHAUD de notre Epouse
L'instinct de survie a t-il été en oeuvre? Le poète n'a pas sauté, et le voilà dans un fauteuil confortable près de la cheminée, chez ses parents, chez qui il habite si tu ne le sais pas, lecteur. C'est une précision importante car peut-être tu es dans la même situation. Peut-être que c'est l'hiver, qu'il neige et que tu viens d'écouter du Bach en mangeant une tartine de beurre. Et qui sait si ce n'est pas le concerto pour violon, cordes, et basse continue en la mineur de Bach? Près de l'âtre, tu te sens, grâce à la musique - évanescence du langage - ainsi qu'à la danse et la chaleur du feu, plus près de l'Etre. Un poème te viens, des flammes, tu fais un solfège, une partition... La mort dans l'âme danse sur un rythme à la fois chaleureux et lancinant.
L’angoisse a son heure.
De la froidure transi, des flammes un solfège…
Du pain et du beurre !
L’angoisse a son heure, l’angoisse a son heure.
Elle est venue dans sa blanche parure et son glas
D’une heure dernière,
Elle a volé nue comme annoncer le son las
D’une heure dernière…
O la grande bière !
D’une heure dernière, d’une heure dernière.
Les braises… les braises… ont fondu sur la
Neige…
Dans ta tête passe comme un oiseau de mots déployés, semblable à un haiku? Image, imagination, les deux sont liés comme deux ailes d'un même oiseau. On revient à l'automne. Et si volait autre chose d'insolite?
La fin des grillons
L e s o i s e a u x s ' e n v o n t
Dans le ciel
Le poète voyage par le poème (ici devenu oiseau). Il voyage aussi par son nom, son origine même: après le haïku (qui n'a rien à voir avec le QI et qui ne veut pas non plus dire « cul haï »), le pantoum (poème pantoufle?): poème malais dont on ne peut confondre sa forme avec une autre et qui à l'origine est un poème érotique. Victor Hugo l'a fait découvrir à l'Occident, Baudelaire, dans un « frisson nouveau » (Hugo), l'a réinventé, même s'il s'agit d'un faux pantoum comme celui plus tardif de Verlaine intitulé « Soleils couchants ». Mais que voulez-vous, ton poète – non pas ton homme! - il a voulu se mesurer à « Harmonie du soir » dans les « Fleurs du mal ».
Dans ce pantoum – vrai ou faux, on s'en fiche - l'essentiel est qu'il fasse passer de la terre à l'air, du cocon au papillon, de l'enterrement au miroitement. L'instant devient cristal. On est à l'aube, et pourtant, ça s'appelle « crépuscule ». La vie du papillon est intense mais courte au regard du jeune poète.
Le sanglot ailé du nubile papillon.
Le sanglot ailé du nubile papillon
D’un coup s’est dérobé au voltigement ivre ;
Comme il mire ses ailes effleurées de sillons,
Le frisson inconnu expiré par le givre !
Comme il mire ses ailes effleurées de sillons ;
Transporté, comme il compte les battements vivre,
Le soleil jaune ainsi la fleur à papillons,
D’un coup s’est dérobé au voltigement ivre.
D’un coup s’est dérobé au voltigement ivre
Le soleil jaune ainsi la fleur à papillons ;
Comme il mire ses ailes effleurés de sillons !
Transporté, comme il compte les battements vivre !…
Les deux précédents poèmes, rêveurs, contemplatifs, ont beau laisser une trace de rêve dans le ciel, le poète finit par pleurer comme un enfant et d'exprimer comme un enfant.
Pourquoi pleures tu mon enfant ?
– ce que j’entends
c’est la voix du vent qui me chante l’air du temps
qui me crie le soufre de ma haine
qui vomit mes sanglots dans mes veines
qui fait m’envoler le sens de mes amours
Et m’envoler le sens de ma vie.
C'est l'occasion pour lui, à l'heure où il se sent le plus poète, de s'identifier à ses illustres prédécesseurs et inspirateurs, et comme ce recueil voit passer les saisons comme autant d'états d'âme, c'est le moment, dans un brillant hommage, d' incarner quatre poètes en une saison, ou plutôt les quatre saisons dans quatre poètes.
Ah Verlaine !
Ah Hugo !
Ah Baudelaire !
Ah Rimbaud !
Le printemps d’Hugo
L’hiver de Baudelaire
L’automne de Verlaine
L’été de Rimbaud
O poètes des saisons :
Bateau ivre
Sanglots longs
Fleurs du mal et Châtiments!
Je ne vous pas ai connu
Et pourtant me souviendrai
De votre douleur
Et de vos regrets…
Jusqu'à maintenant, c'est à Baudelaire que revient la palme d'or du roi des inspirateurs, frère dans la configuration du crâne et du mental, à l'auteur du poème d'Edgar Poe dont il a été le traducteur et intitulé Le Corbeau. C'est dire qu'il aurait pu s'appeler « le corvidé ». Mais dans cette monostiche d'allure féroce, irrévérencieuse, se trouve un sens caché au coeur du mot...
Le poète s'interroge non plus sur le « roi des poètes », de la beauté sinistre du corbeau, mais sur lui-même en tant que poète. Il se compare à une cigogne, mais cette fois-ci, ce n'est pas Baudelaire qui l'inspire, bien qu'on peut songer à son « Albatros », c'est Stéphane Mallarmé qui dans un fameux sonnet commençant par « le bel, le vierge et le vivace aujourd'hui » se comparait, lui, au cygne. C'est un poème aussi hermétique. La poésie elle-même est une cigogne. L 'écriture elle-même est une cigogne en tant que signe, il nous faut une cigogne noire trempée sur une blanche, ou un cygne noir sur un cygne blanc, et quand il n y a que du blanc -angoisse du poète – il n y a que du noir.
Mais aussi...
A n’en plus vouloir voler
Le blanc soir nu sans vergogne venu
Grand versoir
Des plumes de ma blanche cigogne gelée
Mes vers à s’asseoir se sont tu
La cigogne noire s'inquiétait pour sa cigogne blanche, la poésie elle-même.
Il est dur d'accepter que ça ne vienne plus, que ça se taise, l'inspiration - « Hep! Inspiration, Muse, inspire-moi! Et j'en veux une belle, une bonne, une grande! » Non, ça ne marche pas à la commande – pas comme pour l'écrivain qui dans un travail de titan de tous les jours s'efforce de décrire le monde et de savoir tout dire en n'importe quelle langue, avec à chaque fois le mot juste, irremplaçable, et surtout pas de multiplications du verbe être! Non, ça ne marche pas comme ça pour le poète, puisque essentiellement il est et que ça... -pardon - cela vient de l'intérieur, et qu'il faut des plages vides, des plages, des pages blanches, qu'il faut que l'être s'opère pour que la Muse « obtempère », ou plutôt laisser agir avant que la Muse vagisse – non, pardon - s'agite et agisse. Et quand ça vient, le poète ne souci guère de règles extérieures à lui-même. « Dieu est mon Editeur ». A méditer... – Chouette, alors, si je comprends bien, ta Muse t'inspire, Dieu t'édite, et toi entre les deux tu tournes les pouces autour de ta plume en attendant que ça te vienne. C'est pas mal finalement d'être poète. C'est de la bonne pâte. – Bon, ça s'travaille un peu. Faut un peu d'éveil. – Ah ouais, quel boulot. – Le reste, aussi... que de l'amusement! – Ouais je vois, l'éclate totale! La Muse amuse, mumuse pâte à modelée. Moi, Mumuse, poette! Ta Muse elle doit avoir une sacré laiterie!Et puis ton « Dieu », j'parie qu'il a une gueule d'internet!Quand on voit sur quelles bébêtes on tombe sur la toile, c'est pas glorieux!... Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il a pas la gueule du Silence.
(Silence)
Trêve de rigolade.
Dans le poème suivant, le poète se souvient des nuages de Baudelaire dans l'Etranger: « Eh qu'aimes-tu donc , extraordinaire étranger? - J'aime les nuages... Les nuages qui passent là-bas... là-bas... les merveilleux nuages! » Ainsi finissait son poème en prose, et ainsi le jeune poète le poursuit-il dans un « dérèglement de tous les sens »... cher à l'éternel jeune Rimbaud.
– Tu a dis vrai. Ces nues – si basses et si élevées – je les vois sur tes lèvres pulpeuses, miroirs de couleurs secrètes, et dans ta bouche, palais tranchant de vérité ;
Ouvre tes yeux…, sens comme légers sont ces nuages – si bas et si élevés –, ces nuages doux, frisquets et câlins : ton iris, ta prunelle…, tout y palpite, se convulse, flambe, – ton œil respire !… ;
Offres aux nues – si basses et si élevées – tes narines…, puis écoutes ! des volutes mélodieuses, un essaim musical, des requiems de vie parcheminent les gouffres et cassent le silence en silence – tes vierges narines seront fécondes…, elles le sont dorénavant ;
Etends ta main, maintenant, et hume, renifle de ces nuages – si bas et si élevés – l’exhalaison suave, délicieuse et exquise, ce parfait parfum, plus agréable que le muguet, le jasmin et la rose, plus riche que le nard, la myrrhe, l’aloès et le safran, plus expansif que l’ambre, le musc, le benjoin et l’encens, et plus léger et plus pur et aérien que tous les mélanges – tes pores éclorent !… ;
L’oreille exhibée devant les nues, l’oreille ouverte dans les nuages, si bas et si élevés, nourries et noies d’une saveur inconnue les gemmes du goût, et happes, lèches, gouttes, succule l’Aliment divin – meilleur que la passion, le melon d’eau, les vins les liqueurs, le miel – dont rêvaient les dieux avant les hommes, avant les bêtes, avant les fleurs, avant les pierres, dont rêva chaque poète de l’esprit et des sens transportés : la folle ambroisie – si basse et si élevée : les Nuages !…
Après ce jeu du langage et des sens, il poursuit par une touche d'ironie sous forme d'un monostiche contenant un mot-valise
La pâlorbe, c’est la pleine lune mondaine
Ce voyage au coeur de la poésie, son abri, son salut, sa vitamine, l'amène à vouloir écrire un long poème de l'ampleur du « Bateau ivre » de Rimbaud qui disait « viendront d'autres horribles travailleurs; ils commenceront par l'horizon où l'autre s'est affaissé! ». Il veut un tableau mouvant qui poursuive le travail sur les couleurs des yellevos, non, des voyelles, mais cette foi-ci intégré dans une histoire, servant le sens, par un subtile glissement. Il plante le décor dans l'antiquité. Junon, déesse italique puis romaine enfin grecque connue sous le nom d'Héra, épouse de Jupiter ou Zeus et déesse de la Féminité et du mariage, invite de façon un peu mondaine sa mère Melpomène, déesse de la Tragédie grecque, sur son nuage où elle peignait un tableau. Elle lui en met plein la vue par sa technique, mais soudain apercevant comme par enchantement la Terre, sa mère semble l'initier à ses mystères. Elle l'a fait rentrer dans un dimension virtuelle par l'intermédiaire de la télévision, sur Arte précisément, chaîne culturelle. Le tableau, cette-fois ci « créé » ou rendu visible par sa mère, se déroule au pied de Melpomène. Trois temps ou mouvements incarnés sous forme de sonnets vont à la fois exécuter une oeuvre et mettre en oeuvre une exécution. La scène allant crescendo s'arrête avant le moment fatal, comme dans un cauchemar, au moment où les sons, les mots (Vénens pour Vénus, Zeuzère pour Zeus) se dérèglent le plus. Par ce poème, le recueil, entre dans sa troisième phase, celle où précisément entre la féminité, ou la Femme, et la sexualité... Mais c'est un viol qui est sur le point d'être montré. Celui de Vénus ou de Melpomène? On peut se poser la même question pour l'auteur.
Le tableau mouvant
J’allais sous le ciel, Muse ! et j’étais ton féal ;
Je vis Melpomène, la muse immémoriale
Qui peignait de là-haut, sur sa litière spatiale –
Aussi, sa palette y devenait idéale,
Tirant le meilleur de sa matière fécale !
(N’y aurait toujours eut de nos haines raciales ?)
Oh ! là ! là ! que d’amour splendide j’ai rêvé !
Melpomène recevait, d’un amour filial,
Junon, sa chérie mère, en invitée spéciale,
Descendue spécialement de son trône royal :
Salut à vous, ô mère ; vous n’êtes matinale !
– Tutoies moi donc, ma fille ! Et sois donc plus joviale !…
Dis-moi… « Maman !»… - Oh ! tiens ! peinture pariétale ?
– Nullement ! ma technique est bien plus avancée !
La matière organique,
Désinfection chimique,
Eclipse chromatique,
Un bain soporifique,
Bénédiction déique,
Teintur naturifique
Noir et blanc : Neutres ; bleu, jaune et rouge : Colorées !
Art purement ionique !
Exécution magique !…
Voilée d’un œil mystique,
Voyait-elle à la loupe, au bord d’une percée,
Une vue fantastique,
Comme une rosière au sein de Prométhée.
– Mère, euh… regarde maman ! la Terre !
La bleue et unique et merveilleuse Terre !
Animée, originale, excitante sphère !
Un mystère, un songe pour l’humanité.
Dont moi seul, moi seul, moi seul possède la clé !
– Oh ! mon affable, mon aimable fille aimée,
Si tu pouvais si tu pouvais me la montrer !
Oui, naturellement ! vous me faites honneur, mère…
Merci, mon affable, aimable… Que dois-je faire ?
Rien. Non, rien de spécial ! Je zappe : zim !… Arté !
I
Ocres-blancs-feux azurés-noirs ensangloutés,
D’une palme olympienne vingt sapins en pierre
Font une ronde dormante autour d’un Désert
Ocre blanc feu azuré noir ensanglouté.
Pour néant, le soleil, le profond soleil rouge,
Sur la mort, sur la mort s’hypnose lentement,
Et sur son dos, court l’aile sombre, aveuglement,
Dans un aveuglement d’heure et d’âme s’allonge.
Voguait seule Oréade en ce sole crevée ;
Luneroc, dis eut-on un chemin où de fées
Eveillaient du regard un tout feu macadam,
Où sourdies des roches invectives ou puces,
Se mourrait tout un troupeau d’agnelles castus,
Comme offert à dieu Zeus sur l’autel de Pergame.
II
– Voyez voir mon pinceau exécuter la Femme
Nue ! – d’airain et de feu torrentiel jusqu’aux lombes,
Avant que ses fesses éclorent, et sur cuisses tombent
En une chevelure aux deux larmes sésames ;
Mêlés au corps lilial de la douce alcyon,
Ses cheveux se confondent aux roches du désert,
Ses cheveux s’unissent à la couleur des pierres
Ses cheveux se perdent comme un feu d’illusions.
– Qu’alchimique pinceau exécute à présent ?
– Ma brosse endommagée peinture un bel étang
Que je déshabille peu à peu à ses pieds,
Habille en un profond miroir d’eau bleu-azur,
Le ciel poétique de ses yeux allumés !
– Quel beau phénomène prodigieuse Nature !
– Ecoutez ce que Blanc anodin vous murmure !…
– Pourquoi ô gueuse Muse aux ailes inspirées,
O pinceau, balai rude ? La nymphe passionnée
Arbore mains, lolos vers précieuse Nature ;
Et puis ta brosse brosse ci un arbre lancté
Du cran du Taureau Blanc d’Apollon à trois dents
Et du lait écumant d’amphrodite l’Ardente
Traite ainsi la vanche par ton père aimanté.
L’alchimanque Tauran, va t-il… ô Zeuzère !…
– Pas si vente ! que la Vénens prenne son temps
Et se met à son anze et dans l’onde se trempe.
Tiens…
Elle avance…elle hésite…s’élance d’un bond !
Ma soie de cochon doit peindre corbeautière
Sur le perchoir ; qu’elle empoile son con !
– Ho !
Si moifiance aux crotale, à la queue du scoirpion,
Plus encore aux yeux-boics tout poissants toutes flammes,
Des noirs corbeaux perchés oipiant un corps de femme
Dont un Mont de Voinus dépourvu de moirpion ! …
Laissé inachevé, le poème devait se terminer ainsi: au contact des lèvres de la femme, l'eau devient sang, la femme, exécutée mortellement par le pinceau coule et ressort transformée en immense corbeau. Retour initial: calme olympien dans le désert.
Tout compte fait, les deux fins réunies, on retrouve l'essence du petit poème par lequel il a pris son envol. Intitulé Les corbeaux ( titre d'un poème de Rimbaud à qui a été emprunté ironiquement deux vers de Ma Bohème au début du poème que tu viens de lire), il avait pour cadre la « Casse déserte », lieu des Hautes-Alpes fantasmé par l'auteur.
A titre exceptionnel, on fait figurer ici ce poème n'appartenant pas à Souffle.
Les Corbeaux
A la brune des corbeaux,
De la brume et de l’eau ;
Des os gisent sur la dune,
Des pavots croissent en lune.
Corbeau, statue sur une branche
Comme pieux d’ la Casse Déserte,
Veille et jamais ne flanche,
Noir comme à la nuit inerte.
Soudain dévore le démon
Un corps beau, nus les seins
Et l’ cul, fondre dans l’ bain,
Puis, seule, se perdre au fond.
Maintenant…
Plus de brune, plus de corbeaux ;
Plus de brume et plus d’eau,
Qu’un peu d’eau sur la dune,
Des pavots sans fortune.
Sa longueur et sa simplicité contrastent avec le Tableau Mouvant dans lequel le poète n'a jamais été aussi loin avec la forme- aux limites de l'étouffement et du lisible. Mais, ironie du sort! voici ce qu'il nous dit en trois vers après le déluge de mots précédent.
Saches que le Mot n’a pas de forme
Il est une vérité
La vérité est Femme
Le mystère est immense, on peut rouler dans sa tête longtemps cette révélation à tête d'oracle. Et le poète est arrivé comme au point G de son oeuvre, il ne reste plus qu'à l'explorer. Là où on entrevoit jouissance, lui entrevoit autre chose et fait un bilan daté où se mêle excitation et peur.
Mi-janvier : mon Souffle est je crois en voie d’une puberté féconde ; les seins, le bassin…dessinent la future Femme – peut-être une future déesse de l’amour ?
inséminé, un embryon de matières explosives inconnues s’est développé jusqu’à voir le jour ou entrevoir une lueur.
Cette lueur qui s’enfle et s’épure en m’enfonçant vers elle… elle me fait peur.
N'a t-on pas dit qu'on était dans la troisième phase du recueil? Justement, dans le poème suivant il est question de troisième printemps. Il doit s'agir du deuxième de l'oeuvre en réalité, mais symboliquement c'est le troisième printemps de l'oeuvre, promesse de vie au niveau spirituel. On ne pourra mettre trop l'accent sur la structure cyclique de Souffle. A l'origine, il devait se diviser en sept saisons. Deux printemps dans les sept saisons, c'est pas mal!
Bref, le poète écrivit ce poème à l'occasion du mariage d'un de ses frères qui eut lieu effectivement au printemps. Cette date coïncide avec celle de sa décision de quitter la religion de ses parents. Naît alors La conscience de sa vocation envers et contre tout. A partir de là, il n'est plus seulement dans la dimension verticale du Christ soi-disant mort sur un poteau selon la « religion » de ses parents et qui est significatif du fait que ses membres se sentent les élus de « Dieu » face au monde Satan et ses « chèvres » promises à la destruction lors d'Armagguédon, mais qu'il se vêt de l'humilité, homme parmi des hommes, qu'il accepte ainsi la barre horizontale qui, perpendiculaire à l'axe vertical, fait la croix; et ainsi il peut porter sa croix sur le chemin de sa propre réalisation, de sa propre mission sur terre qu'il commence tout juste et entrevoit à peine. Cette pièce devrait se trouver logiquement à la fin – puisque la délivrance tant attendue est arrivée, mais le poète en a voulu autrement, ou plutôt sa Muse.
Sa grande nouveauté est qu'il exprime violemment l'union du spirituel et du charnel, le sacré dans le sexe. “Du sexe, jaillit la parole qui ensemence les étoiles”dirait la pythie. Le sexe sacré, c'est le grand thème du poème, d'où cette place qui ne manque pas de rappeler que l'art obéit à des lois autres que la pure rationalité.
Troisième printemps !
Ils pourront tous me violer,
Mais…
Ils n’auront pas ma plume ! ! !
Théos des dios et putana d’merdios !
Vous allez voir
Que la Tête et la Queue vont s’unifier : le Charnel
Et le Spirituel.
Vous saurez, bande de sauriens !
(bande !)
que DIEU n’est pas qu’Esprit… ou alors de chair
et d’os : c’est un phallus, un PHALLUS !
Il a la tête, nous avons la queue avec ses testicules,
Et de là éjaculent
Vers Dieu
Nos sentiments, notre vie, notre semence éternelle !
Croyez-vous donc qu’il nous recrache ignominieusement
Ce sperme dont il est le créateur ?
Troisième printemps !
Adorons le sans trouble, sans tremblement, humanité troublée ! ! !
On remarque un certain goût pour la provocation -qui s'en étonnerait après ce qu'il a vécu? - et cette provocation continue, cette fois plus douce mais qui s'adresse directement à toi, lecteur, lectrice de mes rêves.
Personne, et surtout pas un prétendu poète – car qui ne l’est pas ! – insinuerai , en rappelant le caractère sexuel de mon Souffle, que chers lecteurs êtes idiots.
Après une attitude provocante, on a une attitude plus familière. On dirait que l'auteur prenant conscience d'aller trop loin l'invite intimement à le suivre, ce dans un langage enfantin, incorrecte du point de vue de la langue. Mais on remarque que cette « invitation au voyage » (sans vouloir reprendre un titre de Baudelaire) s'adresse aussi à quelqu'un ou quelque chose d'autre.
Si on allait ensemble se promener ensemble
O si l’on allerait ensemble promener
Que je tienderais la main toujours toujours
Jamais jamais de la vie je m’en allerais
O mon pouce, mon autre mouchoir… je vous aime !
Le poète rêvait d' écrire une oeuvre qui s'appellerait « Requiem pour un mouchoir ». Mais comme la madeleine trempée dans le thé faisait surgir le passé de Ma rcel Proust, l'évocation du mouchoir provoque un souvenir d'enfance. Pour la première fois, le passé de l'auteur entre dans l'oeuvre prenant ainsi un tour nettement plus autobiographique, plus intime. Le mouchoir est aussi un symbole de sécurité: pour aller plus profond, on peut en avoir encore besoin, ne serait-ce que de manière littéraire. On retrouve aussi une manière plus littéraire avec ce sonnet intitulé « Les Yeux ».
Ma petitesse avait la grandeur de mes yeux,
Mon visage avait la douceur de mon mouchoir,
Ma chambre, ses oreilles occultées, son mur noir,
Et pourtant, du néant, mon rêve était affreux.
Je me vois tourmenté, remuer. J’ouvre mes yeux ;
Ma tête a un mouvement perdu : tout est noir,
Néant, et je suis seul ! – où qu’il est mon mouchoir ?
Là !… et je ne cherche plus partout que leurs yeux,
Ces mystiques flambeaux qui tournoyaient dans noirs
Objets. – Mais où ils sont ?… Maman ! je vois leurs yeux !
Je criai : secours moi du loup noir monstrueux !…
T’à coup, je vis Isis, aux pieds la chatte noire ;
Bastet remuait sa queue ; je ris dans ma mouchoire –
Lors ce temps, la Chatte m’a plus lâché des yeuse.
Au grand dam des règles grammaticales, le poète fait triompher le féminin. Bastet, divinité féline au pied d'Isis, déesse de l'amour et du dévouement maternel. Plus que l'Egyptologie, c'est le sacré encore qu'on touche des yeux... Comme Iris, messagère ailée des dieux, le féminin se fait messagère obscure, mais plus rassurante que le loup, sous forme de Bastet et d'Isis. Peut-être seras-tu heureux d'apprendre comme l'auteur (à moins que tu sois en avance sur lui), via le miracle d'internet, qu'il y a le mot « lumière » ( à la fois solaire et lunaire) dans « mau » qui veut dire « chat » en Egyptien et qu'il était parent du mot « mère », devenant ainsi archétype de la Mère protectrice de toute vie, enfin qu'Isis est le symbole de la Déesse universelle, du féminin dans sa plénitude lunaire.
Le poète écrit alors en résonance avec la chatte devenue divine tout un poème avec deux rimes croisées ou alternée jusqu'à devenir monorimique. Il s'amuse cette fois – l'artiste doit savoir équilibrer la balance - comme un chat avec sa pelote. Il pense à sa chatte (pensée de plus en plus obsessionnelle), à l'ébat amoureux. On passe du lourd au léger.
Ma chatte noire, embaumé, velouteux panache,
Maintiens ta posture féline,
Fends, ouvre, allonge ta moustache
Et je te mouillerais de chatouilles câlines.
Que ton corps à poil se relâche
Je te consolerais de fleurettes chagrines
Je sens, voici qu’il s’amourache
O comme tu ronronnes à ma douce mimine
O ma chatte obscure, voluptueuse, arraches,
Répands ta rime féminine
Du plus profond de ta cache,
Et que ta chanson soit infernale et divine
Jouée, vécue, grossière et fine.
T’es là, avec tes yeux pistache,
Et me couvant ta chevelure léonine,
Ma toison chatoyante et lâche :
Amour de chevelure ! de chaleur sauvagine !
Tu as un désir : que j’l’arrache !
Chatte fougueuse, abîmer si vivante ravine ?
T’es là, avec tes yeux pistache,
Et là, tu m’attendrie, me dévore, me mine,
Et presque m’assassine en tes caresses d’hache
Même si je sais qu’tu badines
De mes mains cajolant tes si blanches tétines,
A l’infusion d’une brassée de jasmines.
Je fond tout devant toi ma chatte
O rien que tes œillades ont un feu de carabines
Je t’aime toute entière ma chatte
Reine adorée, jusqu’au vent doux de ses narines
Evase, voue moi tes papattes
Je te ferais encore des choses enfantines
Des choses félines et des choses divines
Et des choses câlines et sauvagines
Des choses chafouines et des choses héroïnes
Et des choses aussi chaudes que des hermines
Des choses qui tordent corps et âmes comme des trichines
Des choses, des choses ! ô délire ! je folline !
Elle vole haut et loin, la stupide frégate !
O Elle ! seulement imagine…
C’est Chose ! péché de vermine.
Finalement, est-ce si léger, un poème qui finit par « péché de vermine »? S'il évoque la culpabilité judéo-chrétienne dont ton poète connaît un rayon, comme toi peut-être, n'est-ce pas plutôt ironique? C'est aigre-doux. Et l'acrostiche suivant est là pour enlever l'aigreur.
Pâles jusqu’aux fondations
Epanche toi ô mon gland !
Rien de ce qui est blanc
Mourant parmi les monts
Egale ta blanche crème
Le pur jeu peu entraîner un pur enjeu ou un enjeu grave. On ne dévale pas le mont pelé en tant que SPERME acrostiche sans accrocher au passage le poème catalyseur par excellence, celui qui fait référence au vécu du poète, celui de la culpabilité dans l'onanisme, qui vient d'Onan dans la Bible qui faisait tomber sa semence à terre, ce que défendait la loi mosaïque. Onanisme et organisme; organisme et orgasme, toujours le spirituel et le charnel liés, on ne peut le nier, mais il est si facile d'aliéner l'individu, coupé des sensations de son corps, la culpabilité, la honte, et la peur l'empêchant de jouir sainement et d'être. Ce poème a été écrit dans une maison de repos. Le poète avait bien besoin d'avoir la tête reposée, loin de ses parents, pour se libérer. Et si le poème peut par son titre évoquer « l'Esprit masturbateur » de Dali qu'il admirait, par sa forme et sa tonalité les poèmes d'Antonin Artaud qui lui avait fait parcourir un courant froid et chaud dans l'échine en lisant un de ses poèmes crus à la bibliothèque, c'est une pièce qui a défaut d'être résolument originale, est résolument originelle...
Essence qui pue la honte et la joie
D’éjaculer un Besoin
Qui cri et ne sait quoi de ce produit
Penser
Plaisir éphémère
Plaisir nécessaire…
……………..
La guerre est finie
Le Sang l’alcool le truc sortit
Blanc comme mon cul a tout dit
J’en mangerais bien ! je dis
Alors que
Le repos
m’indique
de
son
doigt
plongeur
et
content
un SOMMEIL…
VITE !
J’essuie de ma culotte cette… (en sept)
Cette… Chose
Ce lait de ferme
De la bonne conscience
caillé lait Ce
Gluant fromage Ce
Ce chose
DEGUEU.
Le
Doigt
Mou
n’a
pu
pu
de
P O U
V O I
R
Il s’est exprimé
Puis tut –
Comme à l’école avec le maître –
Parce qu’un DESIR
Au début peut-être
Et ensuite être peut
Une PEUR DU FOUTU
Un FEU
De bête
Et Bien-être
IMPUISSANT comme la pisse au lit
L’A SAISIT –
Nous étions deux
Coupables…
Ma main est vilaine ainsi ma virilité
De couillon
Malpropre et Malheureuse.
Les transes nocturnes m’ont enfin assommé Tant mieux !
Je suis sauf
– sale comme un divin porc !…
Avec l’espoir d’un orgasme amoureux
LA – BAS
Où le foutre peut couler toute sa folie d’aimer
D’une concupiscence Immaculée.
Si il peut y avoir Immaculée Conception, il peut y avoir Immaculée Concupiscence ou encore Immaculée Jouissance, EXTASE: c'est bien ce que le poète recherchait, espérait.
Le morceau suivant semble être sans rapport. Il commence par la conjonction « or », sans lien apparent avec le poème qu'il suit. Mais « or » perd sa valeur de conjonction si on l'identifie à son éthymologie, du latin « hac hora »: « à cette heure ». « A cette heure, dit le poète, je te parle, je me parle, je parle de vêtements d'abord masculins et ensuite féminins, et j'en dis ce que tu vas lire - comprenne qui pourra! »
Or, ces pantalons, ces chemises, ces bretelles, ces maillots de corps, ces blouses, ces laines, ces manteaux, ces vestes, ces cravates… ces écharpes, ces bonnets, ces gants, ces chaussettes, ses chaussures !… …………………………………..
………………………… ses chemises… de nuit… ces jupons… ces bas… ces dentelles… étaient trop grands pour moi.
A l’ombre des fleurs je rêvais d’animaux…
C'est une vision d'enfance, un rêve, qui précède une autre vision d'enfance, un cauchemar.
Le long poème qui suit, le plus long du recueil, abandonne l'ambition du « Tableau mouvant », qui avait échoué en partie selon lui, pour exorciser l'horreur qu'il a vécu en rêve et la sublimer sous forme de poème. Jamais il n'a été aussi proche de l'esprit des Fleurs du mal, d'ailleurs on pourra relever des similitudes avec le poème Un voyage à Cythère.
A l'origine du cauchemar, la vue du film Le 7ème voyage de Simbad où on voit des hommes sur une île déserte se faire embrocher et cuire comme du poulet par un cyclope; dans le poème, il devient Orcus. Le dieu du rêve, Oneiros, a été généreux en images horribles et la Muse en inspiration – juste contrepartie. La beauté intervient au coeur de l'horreur. Cela est déjà une bonne chose, l'emballage fait mieux accepter le « cadeau », mais non seulement il y a de la beauté comme papier cadeau, mais un sens est donné à l'inacceptable, le symbole agit dans l'être et finalement on se dit qu'au sein des pires cauchemars il y a, à défaut d'issue visible ici, un langage qui vaut oracle (« c'est oracle ce que je dis » disais Rimbaud ) et donne force vitale. La preuve en est que le recueil ne s'achève pas par ce poème et que le poète a vécu plus de 10 ans après lui, a beaucoup écrit et vit encore pour écrire cela.
Comme pour le Tableau mouvant, un lexique manque pour tout comprendre, mais a-ton besoin de tout comprendre pour apprécier?
On ne manquera pas de se souvenir de la Matrice en humble passant. C'est le poème qui a transporté le « poète-chaman » au bord de la folie et de la mort avant le salut Chamgault, la maison de repos.
Dans mon lit, Oneiros, dieu caricatural,
S’éveilla en grognant, plein de vues Titanesques ;
Me fit voir en couleur, rêve cauchemardesque,
Une sorte… un lieu comme… Un désert carcéral !
D’abord, dans un curieux silence m’apparut
Un voile de sable au milieu de l’Arène
Immense ! et qui traînait, avançait sans Rêne
Avec gémissements d’une Géhenne en rut.
Morne néant, angoisse en dehors des âges,
Où, char de l’infini, vers d’hauts lieux pas connus
Le temps semblait fuir les pays ingénus,
Pleurèrent du fiel noir d’un parfum sanglotant,
Mourrant lorsqu’ils virent se lever dans l’aurore
Que de noirs animaux ras d’un cri insonore,
Monde uni et difforme en un même tourment.
C’étaient, m’ose dire des enfants miniatures,
D’os anguleux, nudités flasques, cuirs noirs, secs,
Et des visages caves où des lèvres muées en becs
S’assortissaient les dents aux yeux blêmes en coulures ;
Pupilles concentrées, pupilles poings serrés ;
Sous canicule ombreuse un passé nu des monstres –
Onh ! non jon-mon sonrtonr dons Nombres on don z-ontres !
Quarante petits êtres en cage séquestrés…
Quand je fis volte-face à ce chose impossible
Du ciné des draps blancs, lieu hanté d’Ethiopiens
Tors, amorphes, indigestes fixant moi – Sapiens,
Leur frère ! – à l’autre flanc, je heurtai l’Impossible ;
– Ad vitam aeternam, tortor Golgotha !
Oderint dum mutuant ! Fi ! Dignus est intrare !…
Aux inodores, aux pacifiques le Tartare !
Que n’ai-je vu les feux d’Orcus de Golgotha ?…
Je me souviens que trop des noirs jésus la crèche,
De ce monde avernien, pandémon enfantin,
Où, nu, jouait chacun son rôle de pantin
Au bord des limbes vagues avides de chair fraîche…
Oh ! vouez à ma langue, à ma main, cœur fourbu,
Donnez clémence et force à la pudeur sordide,
A moi qui n’a sans vous Folie assez solide
De peindre cette Vue dont mon sang est imbu…
Un ciel !… Y’en avait-il un ? Je crois blême, incolore
S’il fut !… ou ocreux… Mais qu’il étoit de plomb !
Le fixer en serait vertige à son aplomb,
Et le croire réel suffirait d’un plore ;
L’ogre Orcus, des Putti foisait de la tortore !
De ses traits, quoique horribles, ne me souviens tant
Que l’épouvante d’un œil vide guettant
Ses proies engerbées dans un stérile plore.
Yah ! ’fin l’heur’ d’la tortor ! Miam du p’tit dej matin !
Cruauté, cruauté cruauté… Sue ! Oh ! Pause !
Cruauté ! vérité, Vérité ! Use ! Expose !…
Ho ! l’Oeil de leur lamie déguoilait en latin :
M’fous qu’on me haïsse ! pourvu que tous me craignent…
Je vois bientôt, ma foie, purger leurs souvenirs !
De ces fraîcheurs piquées – que de muets menhirs
J’en ferai à bon plaisir… Mais d’abord, qu’ils saignent !
Maman ! chaque enfant né cherchait son utérus,
Là, dans ce cage en bois, griffée à main ploreuse ;
Mes rikikis, tas d’queuleuleu cadavéreuse,
Impatiemment tendaient la mort de l’angélus ;
Enfin…
L’ombre d’Orcus passait avec un froid de roche
Sur le peloton, et, choisissant un minus
D’une broche pointue l’empalait par l’anus –
Puissamment, un son sourd tendait le tournebroche ;
Il tournait, doucement tournait sur un cramoir
De flammes d’où naissait comme une rose rouge
De fumée, le foetus lardé à coups de gouge ! –
Et trente neuf pénis louchaient sur un Miroir…
A la vue du rôti ’chevant son purgatoire
Fétiche, un nœud de poings massé contre son cœur,
Croûte tournicotant dans le même sens – mœur
D’un trouble nûment nu – ça l’excitait à boire,
Le goulu !
Parfois, il me semblait de son cœur en dégoût,
Comme un roi en son trône ne sait plus où s’mettre
Lorsqu’un ver inconnu y domine en maître,
Le mord avec son croc en l’accusant de ragoût,
Et il mouvait ses tripes, et il mouvait ses tripes,
La queue basse, en tous sens, bête inepte à chialer –
Qu’à bouffer sa chair et sa chair enculer
De longs cris éphémères où se saoulaient ses flippes…
Maman ! maman ! tais-toi ! mais m’abandonne pas…
Même un putto, quand du théâtre l’habitude
Est née, il n’en dit mot qu’à dose d’hébétude
Et craint en silence que le cloue le trépas.
Maman !
Mais…
Celui-ci ou un autre…
Ils voulaient VIVRE pourtant, Maman !
Un deuxième…
Celui-ci ou un autre, que ça changeait-il ?
Tous étaient un seul corps, cruelle désertude
Qui rêvait yeux ouverts sur leur décrépitude
La même et seule issue – ô démembrement vil !
Là…
Flouement je me vois voir toute la scène éclaire
Interminable…
Minable…
Et je me mords les yeux, l’Image saisissant,
Ma pupille ardente mais à l’acte impuissant…
Et l’angoisse éveillée, pan du calvaire.
Maman ! maman ! partout j’étais !… Il me semble…, là,
Que dès le début, l’hadès en train, j’étais là ;
J’ai dû échanger bas mots, regards : j’étais là…
Puis au seuil de la Fin – Dieu ! je n’étais plus là !
Lâchement – dégonflé ! j’tais muché comme un rat ;
J’me semble… J’suis croupi, seul, à quarante pas
Dans un obscur lieu sûr qui plus près du trépas
S’gagnait sans cesse jusqu’au dernier ingrat. (…)
Dansez !
Dansez ! dansez !
Applaudissez ! frappez des mains !
Allez, dansez ! Exultez !
Danse…
Dansons autour du feu et sortons nos cymbales !
Poussons jusqu’au dégoût l’extase, notre flair !
Par l’œil ou par la main, en âme ou bien en chair !
Forts et faibles…
Forts et faibles, forts et faibles !
Forts et faibles sont tous des enfants cannibales.
Maman ! Maman ! ! MAMAN ! ! ! je n’ai pas de sain toit.
Là où je suis, là où je ris, je pleure presque ;
Né trop tôt, né tout nu, MOI regrette son Sexe ;
Un embryon, un enfant cri Matrice : TOI !…
Mais …
« Connais-toi toi même », disait l'oracle de Delphes qui par ailleurs a donné le mot delphis qui veut dire dauphin, car c'est grâce à un dauphin qu'Apollon et non le poète Arion – la confusion est vite faite, le poète l'avait fait sans doute en raison de la lyre que portent tous deux – oui, qu'Apollon (c'est encore mieux) dieu de la Beauté, de la Lumière et des Arts, aussi appelé Apollo Delphinius, dieu associé au dauphin passeur d'âmes – est parvenu à Delphes pour y recevoir l'oracle de la Pythie. Par ailleurs, « delphus », mot parent de « delphis » veut dire « utérus », « matrice »... Delphis, delphus et Delphes, la parenté de ce trio est évidente, d'autant plus que la Pythie qui prophétisait dans ce « nombril du monde » était assise sur un trépied dont les pieds se terminaient en forme de dauphin, et l'on sait qu'elle recevait l'inspiration souterraine par le canal de son sexe nu placé juste au-dessus de la fente tellurique. Le poète n'est-il pas relié à ce canal? On comprend mieux qu'il soit sexuellement inspiré. En tout cas, jamais le poète de Souffle n'avait été aussi loin dans la connaissance de soi; à la con-naissance, on y naît avec douleur.
Le poème suivant a été écrit a deux jours d'intervalles avec Les Yeux et pourtant il se trouve ici. Le poète parle cette fois-ci d'un jouet servant de compagnie qui sied guère aux garçons dans la société où il est né.
Sans le savoir, il va en sortir avec une nouvelle connaissance, ou une nouvelle poupée entre les mains.
Nocturne et sans crainte, et sans doute
Au tréfonds de mon fond, aux côtés de ma moumoute,
Et j’étais leur enfant, leur âme consolée ;
Aussi, des poupées, j’en ai adoptées,
Comme des fillettes pressées contre mon cou
Où elles jouaient bien leur rôle de nounou
Des confidentielles paroles inexprimées.
Elles voulaient servir de mon bouc émissaire ;
Hélas de mon cœur j’étais la bête noire
Pour lequel nul pardon ne pût servir de suaire
Si les mains à tâtons n’eussent trouvé moire,
Du ténébreux couloir une seule luisance
Que pour tarir les eaux du sort Silence.
Dieu mon ami
Dieu mon ami,
Serrons-nous mains à présent
Serrons-nous mains à présent
Comme quand on était enfant
Comme quand on était enfant
A Saint Barthélémy
A Saint Barthélémy
Rue Parada
Rue Parada
Avec Henry
Avec Henry
Riri
Riri
Riri
Riri
Te souviens-tu ces jours grands
Te souviens-tu ces jours grands
Ces jours
Ces jours
Si grands
Si grands
Si…
Si…
Dieu mon ami
Dieu mon ami
Dieu mon ami
J’avais zéro dans ma mémoire
J’avais zéro dans ma mémoire
J’avais zéro dans ma mémoire
J’savais pas dire que Blanc que Noir
J’savais pas dire que Blanc que Noir
Qu’tu m’racontais des Histoires
Qu’tu m’racontais des Histoires
Du p’tit du vert paradis Blanc
Du p’tit du vert paradis Blanc
Souviens-nous quand
Souviens-nous quand
T’es né ?
T’es né ?
Non ?
Non ?
O !
O !
Mon Dieu
Mon Dieu
Dieu mon ami
Dieu mon ami
…
Dieu
Dieu
Dieu mon ami
Dieu mon ami
Dieu mon ami
…
Mon ami
Mon ami
Souviens-nous comme
Souviens-nous comme
On a croissé et croissé
On a croissé et croissé
On a croissé et croissé
A regarder
Tous deux la télé
Tous deux la télé
Tous deux la télé
Tous deux la télé
J’avais moi
J’avais moi
Des visions dans la tête
Des visions dans la tête
…
T’avais toi
T’avais toi
T’avais toi
L’Esprit d’une Planète
L’Esprit d’une Planète
Dieu mon ami
Dieu mon ami
Mon ami
Mon ami
Mon ami
…
Dieu mon ami
Dieu mon ami
Et pi
Et pi
Dieu mon ami
Dieu mon ami
Comme comme à la récré
Comme comme à la récré
Comme comme à la récré
On s’ennuyait les bras croisettes
On s’ennuyait les bras croisettes
On s’ennuyait les bras croisettes
…
Dieu mon ami
à
à
à
à
Dieu mon ami
à…
à s’foutre doigts dans l’nez
à s’foutre doigts dans l’nez
à s’foutre doigts dans l’nez
à s’foutre doigts dans l’nez
Roulés
roulés
roulés
et
ROULES
Comme galipenttes
Comme galipenttes
Dieu mon ami
Dieu mon ami
Dieu mon ami
Dieu mon ami
As-tu crevé mes PLEURS
As-tu ’touffé mes CRIS
De ma MEMOIRE
Pansé ces maints SOUVENIRS
PENSEES
D’L’OMBRI DE TA MAIN
DEPUIS QUE JE SUIS NOIR
?
Dieu mon ami
Dieu mon ami
Restons amis…
…
…
Que je comprends
Que tu pourrisses Péché de la Pomme
D’Eve et d’Adam
O tolère ces vers à la gomme
D’un enfant de cent ans
Oh ! Je sens ! poussière combien prud’homm
Esque – Je le sens
Dis-moi mon ami
Dis-moi qu’il y sera ce Paradis
Ce paradis qu’Enfant tu m’as promis
Lorsqu’innocent je ronflais dans mon lit
Que sous mes draps priais ton Paradis
Je le voyais même plein plein de brebis
D’animaux tous tous mes amis
Comme le disait ton Prophète Esaïe
« Et le loup résidera
Temporairement avec l’agneau
Et le léopard se couchera
Avec le chevreau et le veau
Et le jeune lion à crinière et l’animal bien nourri
Et le petit garçon – C’était moi oui
Sera leur conducteur.
Et la vache et l’ourse pâtureront
Et de tout cœur
Leurs petits ensemble se coucheront
Et même le lion mangera du gluis
Avec le taureau et avec la brebis
Et le nourrisson jouera sur le creux
Du cobra
Et sur la lucarne du serpent venimeux
L’enfant sevré mettra son bras. »
L’enfant ! l’enfant ! l’enfant ! je le vis !
Cet enfant encore que je suis
L’enfant une fois mûri et vieilli
Espère toujours son Paradis
Où comme des fleurs pousse la Poésie
Et tout l’monde est heureux et tout l’monde est gentil
Même les chèvres tu les a adoucis.
Il y a de ces moments où à la fin d'un cycle, la roue tourne à vide, et c'est le cas ici, le sentiment déchirant d'être abandonné par « Dieu » après n'avoir obtenu que le silence, le vide de sa missive ou bouteille à la mer, et de n'être entendu par personne d'autre. Il est normal que le poème se déchire en deux, car le poème peut à l'image de l'âme ne se faire ou n'être que déchirure.
C’est un déchirement et Nul poumon, tissu, pavillon ou cœur
Fronts, joues, poches, Rien à cela ne se déchire
membranules… - rien !
On me demande de peser quoi ? Le poids de… c’est ça ? d’la…
Le poids de la chair : Oh ! De la déchirure ne serait vous dire
mon Dieu ! tant…
La balance est imparfaite Si imparfaite est la balance !
Du plateau gauche Du plateau droite surtout
Oh ! De mon ââââââââme Je pourrais ôôôôôôôô chchimère te
Ddddéchiréé Peser ?
Demeure un papapier à tttombeau Des llLambeaux de papapiers
Un papiépier en en lambeaubeaux Des tomtombeaux papppivol
Papivol… Papapapivol ! Papivol et et et pa… Papitombe
En morceaux dédédéchirérés Pa-a-a pi pi tombe pipitombe
Pppppapipitombe en en ssssSépultuture Dans la déchire du bobotombeau
Oôôô… de mon mon ââââââââme chichirée Que je pouvais te peser ?…
L'effusion des sentiments se fait naturellement après cela. Savoir qu'un jeune poète de 22 ans peut ne pas être plus sérieux qu'un poète de 17 ans, et qu'il est même capable de moins de retenue.
Aussi, voici ce que dit, non, ce que crie le poète à la face du monde et de ses parents.
J’suis une erreur, j’suis pas fait pour vivre dans ce monde !
Etre un homme !
J’suis pas un homme… j’ai touché terre… c’est tout…
Mais suis pas un homme…
Vous savez, quand j’étais petit, à l’école, on m’appelait
L’homme de la lune…
C’est là que j’aura dû naître, dans la lune … sur les
Nuages de la Lune…
Oui, on passe du pathétique - pour ne pas dire tragique! - au comique. Cependant, il y a une profonde vérité. Plus tard il écrira des contes racontés par « l'Homme de la Lune ». Il ne le sait pas encore.
Pour l'instant il se plaît à assumer le rôle qu'il joue dans une pièce de théâtre – oui, comédien il fut avant conteur – et il ose défendre – sur papier seulement et destiné au tiroir - l'idée qu'il a eu de se promener sur scène en tant que personnage nommé Ost avec une tête de baigneur au bout d'un bâton. Il dénonce la mascarade. Macabre jusqu'au bout, il dit « Qu'imorte » au lieu de « qu'importe ». – Qu'importe! il se sent vivre et donne à la folie droit d' existence.
Je suis ahuri. Je suis en colère.
Décidément, il y’aura toujours quelque chose qui me sépare
des autres. Que ce soit dans la vie ou le théâtre.
Parce que j’ai choisi un rôle différent des autres, un tragique, macabre –
On me regarde, certains, comme CE macabre, cet homme répulsif, ce fou déchaîné, torturé, persécuté, ce fou à lier.
Ost existe !
Il a le droit à la vie ! Il a le droit de se révéler au monde, il a le droit de faire exploser sa vie, sa machine intérieure et d’être entendu, d’ETRE !
Qu’imorte qu’il vous effraie avec sa tête de bébé au bout d’un bâton. – Soyez drôles ! à l’image de votre personnage,
mais intègre au mien, et pas moins vrai et intéressant que le vôtre,
je serai funèbre !
Et c’est moi qui provoquera le Rire et vous les Larmes.
L'Etre triomphe du paraître et il peut maintenant - poète sublime, panaché, plein de panache, chaman magnifique – sur ordre express de sa Muse « insulter » et aimer en même temps son « hypocrite lecteur » (à l'instar de Baudelaire), parce qu'il se trompait manifestement – le lecteur – sur lui-même. Et pas un peu l'auteur?... Mais le poème est habile pour ne pas trop heurter les sensibilités, il dit en leitmotiv « o moi qui disais », et il a de plus en plus le langage non seulement de la détresse mais de l'enfant passé de l'autre côté, tombé dans le « monde » et considéré logiquement comme « Méchant ».
O moi qui disais :
Ne pleurez pas un Méchant
Seulement pleurez un méchant…
O moi qui disais :
Vous, spermateurs de guerres,
Et toi, spectateur de tes frères,
La lutte et la bataille et l’art militaire,
C’est la Poésie,
C’est la Foi,
C’est l’Esprit,
Le coït spirituel !
C’est l’Oiseau,
C’est le Beau, c’est le Beau,
Le pur, Finesse et Délicatesse,
La gentillesse et la gentillesse,
Hypocrites, salauds et salopes !
(Je vous insulte et je vous aime.)
O moi qui disais :
Je vous insulte et je vous aime,
Je vous insulte et je vous aime,
Hypocrites, salauds et salopes !
(je vous insulte et je vous aime.)
O moi qui disais :
Vous qui lisiez passivement mes vers,
Et en pensant peut-être vous distraire,
Hypocrites, salauds et salopes,
Mangez, mangez et bouffez du calvaire,
Aspirez, inspirez mes derniers vers,
Hypocrites, salauds et salopes,
Et qu’ils coulent en vos gorgent comme un glaire !
(je vous insulte et je vous aime.)
O moi qui disais :
« Hypocrites, salauds et salopes »,
Hypocrites, salauds et salopes !…
Surtout, qu’il ne point soit votre locomotive !
Mais que le vent souffle, il faut tenter de vivre !
Hypocrites, salauds et salopes…
Ca y’est ! le vent souffle a soufflé ! Que quiconque vive !
…
O moi qui disais :
Je vous aime et vous salue,
Je vous aime et vous salue,
Hypocrites, salauds et salopes !…
(Très humblement votre frère.)
O moi qui vous disais,
O moi qui vous disais
(dans ma profonde détresse) :
Le plus dure, c’est que bien qu’avoir essayé d’aimer, bien qu’avoir donné sa note de vérité et de pureté, l’on soit abandonné…
O moi qui disais,
O moi qui disais
(dans ma profonde détresse) :
Oh non, je ne finirai pas mon œuvre !… Mon œuvre ! mon œuvre ! Ma merde que j’ai traînée ! En fait, une sorte de synthèse malhabile de mon âme…
O moi qui disais,
(dans ma profonde détresse) :
Ame ! Oui ! J’en ai une ! Ame amère ! et si sincère… innocente … Une âme d’enfant. Il a essayé de se défendre avec ses armes, certes imparfaites, fatales même !… Ne m’en voulez pas, ne m’en voulez pas…
O moi qui disais,
O moi qui disais
(dans ma profonde détresse) :
Ecoutez, j’vais vous raconter une petite histoire…
Mais non, j’la raconterai pas. Vous me comprendrez pas. Ca c’est des histoires de petits. Eh bien c’est pareil : les petits y comprennent pas les histoires de grands. Pac’qu’en plus c’est pas beau, et les enfants, eux, ils aiment le beau. Ce sont des poètes. Il faut être né poète pour être et demeurer à jamais enfant. Il faut regarder le monde avec des yeux d’un oiseau, pac’qu’un oiseau c’est beau et tout c’qu’est beau est innocent, donc poésie !
O moi qui disais,
O moi qui disais
(dans ma suprême détresse)
O moi qui disais :
En espérant qu’il le sera réellement,
J’pensais donner un message d’Espoir et
d’Amour
pour toute l’humanité
J’ai même pensé être poète de Dieu, parce que quand j’étais petit…
O moi qui disais,
O moi qui disais,
(Dans l’ultime détresse) :
O moi qui disais…
Mais passons à l'avant dernier poème – ouf, c'est bientôt fini le massacre! On verra par là que l'auteur assume d'être anachronique, « contemporain du passé »,car somme toute, quand on se croit poète à l'âge de 22 ans, qu'on n'est pas tout à fait mâture, qu'en outre on prend Baudelaire pour oripeau et presque sponsor à la fin du 20 ème siècle, avec un défilé de noms de poètes du XIXème siècle – se prend-il pour un poète maudit? – ou de la première moitié du XXème siècle aussi différents que Prévert ou Artaud – il y a de quoi rire ou sourire. C'est pourquoi le poète-chaman plus que jamais se débarrasse des illusions: ce qui est présent est passé, et ce qui est passé est toujours présent – on en guérit ou on n'en guérit pas, et on peut admirer le passé et le prolonger tout en vivant intensément le présent et sans crainte du futur.
Tu ne manqueras sans doute pas, lecteur bien-aimé, d'être dérouté en particulier par ce qui se trouve entre parenthèse. Cela prête à confusion, c'est un oracle, une parole rapportée d'un rêve, là-bas... La Bruyère en est curieusement le moteur et l'élément le plus déroutant. Que vient faire le poète des Caractères ici?Peut-être qu'il ne manquait pas d'esprit mais qu'il manquait de coeur pour toucher l'âme. Trop moraliste sans doute. Il n'avait pas le talent de La Fontaine qui savait parler à l'âme à travers ses bêtes parlantes, ses fables, même s'il finissait par une morale dans le goût de l'époque. Enfin, on peut se tromper, victimes de nos projections, de notre représentation du monde, la fin du poème le dit bien.
J’ai commis Nenie un adultère avec la mort
Non l’ayant dit déjà je le serine encor
Je suis contemporain du passé
La mort tremble transpire et tremble Pas moi
Trois fois chers bons hommes d’un siècle trois fois immonde
Je préfère le singe de l’Ancien monde
Aux fleurs coriaces aux désirs humains
A fleur de l’Etre Sentiments silences en prière
Les roses mains Annonce qui La Bruyère
Pour s’attirer le cœur de l’esprit ! mon deuil
Vous fûtes beau d’écorce mais de mauvais œil
C’est qu’il fut jadis un cheveu dans ton regard
Pour introduire le poème qui finit Souffle sans qu'heureusement souffle ne cesse, laissons le « poète-chaman » citer d'abord ce qu'il en disait quelques années plus tard dans son oeuvre autobiographique Har-Magguédon:
« Là... c'est, après la suprême ironie (« les mouches soient bénies dans ce monde affolé ») la suprême expression: une longue prose se désagrège petit à petit dans l'espace, au fil du temps des mots suspendaient dans le vide, des pages blanches apparaissaient, puis ce sont des mots, encore des mots, de plus en plus rares, qui se répètent à la fin...
J'arrivai au Mystère.»
Mais concentre-toi et sens avec ton corps si tu peux, tandis que tu pourras concevoir par l'esprit et ressentir avec le coeur.
… Meman !… Maman… ma…
Innocent au sortir du sommeil…
Il boit sa sueur qui dégouline sur son visage, sur sa peau, dans ses oreilles, sous ses paupières, dans ses narines et dans sa bouche…
Sa sueur des cheveux au menton, sa sueur de son pyjama qui suinte sur sa peau de son corps, sur sa poitrine bloquée, sur son dos prostré, sur ses fesses étranglées, sur…
Sur tout son corps immobile,
Jusqu’à ses mains et dans ses doigts… ses petites mains, ses petits doigts… Et il boit sa gorge serrée avec sa salive et sa voix ; avec son sang et sa chair, son pouls et son cœur.
Ses murs noirs de sa chambre avec ses choses disparues, il boit ;
Sa fenêtre avec ses étoiles du noir du ciel, il boit ;
Sa solitude, il boit.
Il boit aussi le silence, le silence de sa chambre, son lit, sa couverture, ses meubles, ses jouets, son petit frère… et son silence à lui… à lui seul… et sa peur… sa peur… pas du noir… mais de ça…
Qu’il revienne.
Ses petits grands yeux regardent le plafond tout rien.
Il a son doux mouchoir sur son nez.
Il caresse son nez avec.
Et sous l’œil et sur sa joue.
Il boit son silence et sa peur.
Et il attend la chose et il a peur qu’elle revienne !
… – Quoi ? La chose ?… Non… la… la main… l’immense main qu’il a vu, qu’il a senti. – Qui ? Qui ?
La chose…
… Si… Si…
Silence…
Noir écarlate… noir écarlate…
Il était tendre et doux ; il était trempé, il était dur,
Il était sec… le vin noir ; c’était un vin fluide.
Il s’étalait et formait fin tissu dont l’envers
Touchait
à froid le corps
Le
flasque infini
La face, elle, suspendue,
Reposait sur un coussin de ténèbres, sur le lit et l’âme perdue ;
On aurait dit un grand linge.
Il pesait comme ça, sur sa tête, tendu, impalpable et comme troué de partout des mille yeux blancs d’un soleil : sans du vernis sur l’œil, ce fut embu, d’une blancheur de drap… comme le bel esseulé ici, la chose remarquable parmi tous, le vaste trou qui se dessinait tout en rond, qui n’avait pas de brillant, qui avait la nudité livide d’un nuage par beau ciel : c’était un œil mort.
Tout ça restait comme ça sans que rien ne bouge… sinon une palpitation des petits yeux, c’était tout. De même ni son ni couleur… des semblants, c’était tout. Oui, avec son regard creux, c’était tout qu’inertie, que sobre et si…
Crac !…
Un coup de griffe à l’ombre d’une main – suite à une turgescence vinaire – et la toile se déchire
En une ondée de lumière fantasmagorique chutant
Comme poussière
Au jet d’une voix enfant …
Puis un chut !… puis le même sacré linge étale…
De fête solennelle… en torpeur, puis…
SILENCE…
Je reviens singulièrement à mon Gouffre
Mon Gonffre…
Mon primitif
Etoc !
C’était Lui !
Lui
LUI…
O Gouffre belle !
Le modèle du poème est Mallarmé dans Un coup de dés jamais n'abolira le hasard publié en 1897 . Cela a suffit, même si d'autres poètes plus contemporains ont mis aussi le poème en espace. Ce n'est pas une forme originale, loin s'en faut, le poète a essayé de tout explorer, de la poésie la plus classique à la poésie la plus libre, c'est tout. Non, c'est pas tout, il a voulu créer l' « oeuvre suprême à venir » qui « emploiera les deux formes » rêvée par Mallarmé, à défaut du Grand-Oeuvre dont celui-ci rêvait d'écrire en tant qu 'alchimiste du verbe comme le fut Rimbaud. C'est le voeu de tout poète, le Grand-Oeuvre. Mais le Grand-Oeuvre artistique n'est peut-être que la somme de toutes les inspirations de l'Humanité et dont seul « Dieu » peut se délecter dans sa vue éternelle embrassant toute chose créée et qui le recréer lui-même. Le Grand-Oeuvre serait alors dans un mouvement perpétuel, « Dieu » omniprésent sans cesse en interaction avec ses créatures douées de la conscience à son image, mais incarnées d'un corps - et de la main surtout - pour pouvoir créer des oeuvres d'art. Ce dernier poème sans titre est une tentative de se rapprocher de ce mouvement perpétuel et de cet espace, ce silence divin où peut surgir la parole. Il se termine aussi par Lui. Or le poète avait écrit en dédicace « à Elle et à Lui » Elle, c'était l'image de la Femme idéale, intérieure, qu'il avait trouvé à l'extérieur chez une nommée Elodie, mais qui dans la réalité lui avait été fatale. Lui, c'est Lui, mais il y a encore Elle dans Lui, et comme le poète-chaman le disait bien des années avant: on arrive au Mystère. Peut-être qu'au terme de ce voyage, ce parcours poétique, cette aventure spirituelle, entreverras-tu une lumière au fond de ton âme en quête, je te le souhaite.
Je te laisse ici, le recueil ne peut clore que par le Souffle divin et que par le recueillement dans le silence.
Que la branlette est bonne
envoyé par plumcris. - Regardez la dernière sélection musicale.
Avant Rose, il y a eu cette chanson, qui ferait penser à un chant de
marin ou à Renaud; mais c'est loin de l'Hexagone, plus proche du
triangle des bermudas, je fini par dire n'importe quoi, mais cette
chanson est un manifeste, j'y tiens beaucoup, mon petit cercle
d'ami(e)s brainois qui sont les premiers demandeurs me pardonneront j'espère les
défauts techniques, vous savez, ce bruit de fond de webcam genre Les
extra-terrestres foutent leur merde...
QUE LA BRANLETTE EST BONNE
Lam Sol
Je suis le roi de la branlette
Lam
Oh oui oh oui oh oui
J’y arrive même en mobylette
Oh oui oh oui oh oui
Dès fois quand j’pédale ça m’fait bander
Je suis naturellement frotté
Mais ne vais pas jusqu’à la giclée
(ah quand même !)
Oh oui oh oui oh oui
Refrain :
Ah que la branlette est bonne
De haut en bas la musique sonne
Ça fait des Ho ça fait Ha – Haaa…
Dites de quoi avoir honte
Oh oui oh oui oh oui
Si tous les jours je fais ma ponte
Oh oui oh oui oh oui
Avant de dormir ça détend
Et l’matin fait lever d’bon pied
Et puis y’a pas d’mal à prendre son pied
Oh non oh non oh non
Refrain :
Ah que la branlette est bonne
De haut en bas la musique sonne
Ça fait des Ho ça fait Ha – Haaa…
Savez-vous y a longtemps ma religion
Non non non
Frappai cet acte d’interdiction
Oh oui oh oui oh oui
En nous disant que c’est impur
J’sais pas pourquoi mais j’me sens pur
J’me suis bein r’trappé ça c’est sûr
C’est sûr c’est sûr
Refrain :
Ah que la branlette est bonne
De bas en haut la musique sonne
Ça fait des Ho ça fait Ha – Haaa…
J’préfère semer ma graine dans mon pieu
Oh oui oh oui oh oui
Que d’semer des bombes au nom de Dieu
Oh oui oh oui oh oui
A moins d’penser qu’c’est un homicide
D’lâcher comme ça c’est spermatozoïdes
Ce s’rait plus que bizarroïde
Oh oui oh oui oh oui
Refrain :
Ah que la branlette est bonne
De bas en haut la musique sonne
Ça fait des Ho ça fait Ha – Haaa…
Qu’ils gardent leur morale
Oh oui oh oui oh oui
Moi ça m’fait du bien au moral
Oh oui oh oui oh oui
Et j’suis sûr qu’j’suis pas l’seul
Même si on fait le bégueule
Moi j’en connais du genre catholique
Qui font d’la branlette hébraïque
Refrain :
Ah que la branlette est bonne
De bas en haut la musique sonne
Ça fait des Ho ça fait Ha – Haaa…
Ah que la branlette est bonne
Crie haut et bas ma chanson cochonne
Et si vous croyez que je déconne
J’f’rai des Oh et des Ah…
Ci-dessous, une chanson sur la masturbation féminine. Bientôt son pendant masculin "Que la branlette est bonne", qui lui est antérieure en vérité. Eh, je suis un homme! Je me suis inspiré d'une bande sonore sur un site consacrée à la masturbation féminine. ça s'honore! Mais, attention! ce site contient aussi des vidéos pornographiques... ça un côté fascinant, mais je ne suis pas fan, comme dit la chanson; tandis que Rose...
Rose
envoyé par plumcris. - Regardez la dernière sélection musicale.
ROSE
Rose est une sacré coquine
Ellle tourne elle tourne zébulonnete
J'l'ai entendu sur internet
Elle le fait mieux qu'la Corinne
Les soupirs couronnés de silence
met corps et âme en branle
ils s'ébranlent et je me branle
J'entre avec elle dans la danse
REFRAIN:
Oh oui vas-y vas-y Rose
Tu m'emballes, m'excite
Ineffablement m'habite
Oh stop sinon je m'arrose
Je l'imagine qui mouille
Elle s'imagine pas comme je bande
quelle émotion passe par la bande
la bande sonore suggère sa fouille
Son doigt magique créer la magie
Je ne sais pas si elle est tantrique
Mais je ne suis pas sans trique
Je sens son rossignol, son nid, son mimi
REFRAIN
Tu dois savoir que l'énergie sexuelle
est à la base de la Vie
et cette folle sacrée envie
nous relie au spirituel
La masturbation féminine
vaut bien la masculine
le masculin le féminin en soi
s'étreignent dans un feu de joi
REFRAIN
Je ne suis pas fan de porno
j'préfère tes douces suggestions
d'un plaisir lecture sur le dos
finissant sur le ventre le doigt au con
Quand t'effleures ton bouton de rose
et gémis je suis tout chose
et le rythme s'intensifiant
j'oublie complètement le temps
REFRAIN
oh oui vas-y vas-y Rose
Tu m'emballes, m'excite
Ineffablement m'habite
Oh stop sinon je m'arrose
Oh oui vas-y vas-y Rose
Je m'emballe m'excite
Ineffablement tu m'habites
oh stop faut que je dose
Je goûte un peu ta fontaine d'amour
grâce à toi au don de soi
La jouissance d'amour est ma loi
comme le papillon d'un jour
Tu vois je fonds sous ta caresse
Ta caresse qui se fait tendresse
Et je redeviens enfant
m'abandonnant à l'Instant
REFRAIN
Oh oui vas-y vas-y Rose
Tu m'emballes, m'excite
Ineffablement habite
Oh stop sinon je m'arrose
Oh oui vas-y vas-y Rose
Je m'emballe m'excite
Ineffablement tu m'habites
Je n'en peux plus, je t'arrose
INTRODUCTION
« Fais que ce qui est en haut soit en bas et que ce qui est visible, invisible, palpable, impalpable et derechef fais que ce qui est en bas soit fait de ce qui est en haut, de l'invisible le visible, de l'impalpable, le palpable. Cela est tout l'art »
L'auteur n'a pas d'autre voeu. Enfin... bonne lecture!
Note: certaines fautes ont été supprimées, d'autres volontairement gardées; tout astérisque qu'il y en ait un ou quatre à la suite manifeste une intention: soit une faute d'orthographe (*) ou un jugement défavorable de l'auteur ou plutôt un appel à l'indulgence (****) du lecteur.
Texte philosophico-erotico-fantastique de jeunesse
(1993)
C’était une nuit calme et mystérieuse, une nuit de pleine lune sans lune. Des perles lumineuses, des diamants éclatants semés ça et là, perçaient timidement l’obscurité profonde, et une brume blanchâtre, tel un voile translucide suspendu dans le néant, dissimulait sa nudité, sans doute la plus intime. Le ciel imbibé d’encre noire semblait être imprégné de tous les secrets. Qui pouvait élucider tous ces mystères flottants cachés par le rideau cabalistique ? Et ce voile qui offrait tant de charmes aux cieux, qui pouvait éprouver un plaisir inouï à l’enlever, sans déjà avoir goûté pleinement de ses yeux toutes ces saveurs ? A ces questions qui défilèrent dans mon esprit, yeux plongés dans les ténèbres, je ressentis un frisson traverser mon corps. Un tel spectacle, une telle parure céleste ! Ce noir profond et absolu qui transparaissait de l’écran enfumé avait un caractère singulier, indescriptible, une sorte de sensualité insaisissable, faisant naître un sentiment troublant, d’admiration passionnelle mêlée de…
Le cri d’une hulotte se fit retentir** et me sorti de mes émois, si puissants que j’en oubliai totalement le lieu où je me trouvais. Etendu sur le dos, je me redressai et contemplai le paysage, tout étrange qu’il fut. En effet, je ne voyais au niveau du sol qu’une épaisse couche de brouillard s’étendre devant moi sur un espace qui me semblait infini. Au-dessus de ma tête s’épanchaient lourdement les branches d’un vieil arbre délabré. Et, par brefs moments, je crus entrevoir au loin de vagues silhouettes végétales. Je me sentais perdu, dans l’incapacité pitoyable de me remémorer ce lieu, si l’écho d’une éclaboussure ne fut parvenu à mes oreilles. Je me souvins que je me tenais sur la berge d’un petit lac charmant situé non loin, même juste à côté de ma demeure, à Blackinburg.
Je m’allongeai de nouveau et admirai inlassablement, fixait invariablement pendant près d’un siècle la noirceur du ciel. Cette nuit dont je désirais qu’elle soit aussi éternelle que sa beauté ne devait hélas durer que quelques heures. Mais je mis ces instants de bonheur au meilleur service de mes sens et bien décidé à tirer le plus noble parti de mes méditations philosophiques. – Toutes mes pensées allaient au noir. Oui, je songeais à tous ces noirs, aux textures, teintes, tons, brillances, puretés et profondeurs différentes : noir chaud ou froid, clair ou foncé, noir mat, terne ou luisant, noir pur, enfumé, coloré et allant du transparent à l’opaque. noir animal, noir d’ivoire, de fumée, de charbon, noir de velours, noir de satin…Noir de tout ! Chacun avec son charme, sa personnalité distincte. Pourtant, il fut et demeure toujours, chez les peuples primitifs et contemporains, la couleur la plus entourée de symbolisme, de mysticisme et superstitions : obscurité de l’âme, tristesse, saleté, impureté, symbole de mort et de méchanceté. Je pense aux chats noirs, loups, corbeaux maléfiques et autres êtres remplis de mythes et croyances superstitieuses et religieuses, à la hantise de la poursuite infernale de l’Hadès, aux ténèbres qui servent de faux prétextes aux apparitions fantomatiques et aussi et aussi à toutes ces soutanes obscures qui marquent au fer Dieu et la religion d’une noirceur imméritée. Le noir, craint depuis la nuit des temps, est bafoué, rejeté et mal utilisé, souvent comme tampon au mal de l’homme et toutes les atrocités inhumaines. Que le Schéol m’engloutisse si les ténèbres spirituelles sont matérielles !
Il est temps que le noir immaculé perde totalement sa face de démon, digne de rien et encore moins de ce joyau suprême répandu dans le ciel, mais qu’il rende gloire à notre créateur et celui même de l’univers. Je suis d’ailleurs profondément convaincu que le noir, dans son absolutisme, nous fait davantage prendre conscience de notre faiblesse et petitesse : Nous, pauvres créatures humaines, pires que les plantes et les animaux, avons besoin non seulement de lumière vitale mais aussi, pour cause notre intelligence et les exigences psychologiques qu’elle entraîne, d’un ciel bleu pour espérer, d’une végétation verte pour nous apaiser et mille couleurs chaudes pour nous égayer, nous charmer. Tout cela, qui équilibre notre existence, Dieu nous l’a donné avec bonté et désintéressement. Ce contraste qu’il a produit entre l’infiniment petit et l’infiniment grand, c’est à dire entre le clair et l’obscur, nous en témoignons avec que plus d’acuité lorsque la vie se réduit en silence au spectacle aveuglant de la nuit. Ces moments uniques où l’on se sent maître de soi, de rien, où l’on a l’impression d’appartenir à l’espace-temps que nous contrôlons plus, nous plongent soit dans la béatitude la plus complète ou, le plus souvent, suivant les règles imposées par la nature et par celle même faible de l’homme, dans un sommeil inconscient et ignorant de tout, qui d’ailleurs, de ce fait, ressemble davantage à une profonde léthargie. Si Dieu a crée l’homme à son image, il a créer le noir, je le crois sincèrement, non seulement à son image, mais aussi pour celle-ci, servant ainsi de lien intime entre lui et le monde. Cette « couleur » absolue et royale est l’image diffuse de sa personne, de sa puissance et grandeur incommensurable. Ce support concret que l’on voit nous rapproche infailliblement de sa divinité. Désormais, le noir, purifié de toute souillure, s’inscrit sur la face de Dieu.
Un léger vent me caressa le visage et les cheveux. Les nuages de brume paraissaient se mouvoir sur la toile de fond noire pour bientôt en couvrir l’intégrité. J’observai la nuit d’une toute nouvelle intensité et d’un tout autre intérêt : je rêvais que la nuit fut le Jour et le jour la Nuit. Je croyais en la lumière noire. « C’est la nuit qu’il est beau de croire en la lumière ».
Ce mot jour ne frappai pas mes neurones cérébrales sans qu’il produisit dans mon cœur une sensation désagréable, un sentiment de répulsion.
Ce jour (je fais vraiment un effort surhumain à prononcer ce terme et admettre sa réalité, dans la position où je suis), s’il est nécessaire et permet d’offrir à la vue de l’homme les paysages les plus grandioses : forêts, cascades, montagnes, déserts…, il me paraît, quelque part, moins mirifique que la beauté de la nuit et la sensation qu’elle donne. Je trouve la vision du jour trop réaliste, présentant peu de mystère par rapport à la nuit. Tout est effectivement naturel et beau, mais rarement surnaturel. Il est en même temps défini d’une sorte d’irréalité joviale et euphorique (hormis l’automne et l’hiver qui m’ont toujours touché de leurs couleurs sobres) qui va mal avec la misère humaine.
La nuit, elle, a une surréalité magique qui dépasse l’entendement humain. Aussi, on ne saurait trop dissocier le réel et l'irréel bien présent. En effet, elle est pour l’homme autant l’un que l’autre et, loin d’être contradictoires, ceux-ci s’allient et se confondent parfaitement*
. Aussi vrai que la nuit est mystérieuse :
Si vous n' avez jamais passé la nuit à la belle étoile, vous savez qu’à l’heure où nous dormons, un monde mystérieux s’éveille dans la solitude et le silence […]. Le jour, c’est la vie des êtres, mais la nuit, c’est la vie des choses.
Il faut reconnaître la nature inhérente à l’homme de chercher dans ces mystères une raison de vivre, de progresser, d’y puiser une force. Ainsi un lien d’affinité se créer entre la nuit mystique et l’homme, pour qui sa propre nature mal connue reste un voile à lever. Je pense surtout à l’abîme obscur de notre inconscient.
Je bénis Jéhovah qui m’a conseillé :
Ce ciel ténébreux, comblé d’énigmes, a un pouvoir si envoûtant qu’il séduit l’âme sans la moindre résistance de sa part. L’homme, d’une curiosité insatiable, cherche à découvrir les arcanes célestes et s’abandonne entièrement à tous ces délices. Cette nuit noire embrumée, cette nuit masquant sa pleine lune est bien l’enchanteur** de mes rêves, de mon imagination, et satisfait dans son paroxysme mes sens et ma soif de découverte.
La nuit fantastique et féerique place aussi l’homme dans sa véritable situation et position dans l’univers. Le noir, si obscur, lui rappelle la condition humaine, et ces étoiles, telles des points lumineux infimes se noyant dans l’encre noire et remontant difficilement à la surface, parfois par incapacité, timidité ou sous-estimation, sont comme nous dans notre mal de vivre.
On peut donc parler de la nuit comme étant aussi bien, si l’on peut dire, doté d’une irréalité réelle et réaliste que d’une réalité à caractère irréel. Nulle frontière ne sépare le réel de l’irréel car ils se fusionnent ensemble harmonieusement. C’est pour tout cela que j’aime tant la nuit.
Une percée se fit dans le ciel : des nuages s’agitèrent, là, juste au-dessus de moi, et l’éther noir aspira un lambeau de voile blanc. « Quelle féerie ! », exprimaient mes yeux écarquillés dans leurs orbites.
Ce noir !…touchant, séduisant, enivrant, déconcertant, bouleversant, intimidant… car tout ce qui touche séduit et la séduction enivre, l’ivresse déconcerte, tout ce qui est déconcertant bouleverse, ce qui bouleverse intimide et tout ce qui intimide… Non !…
Je repris mes esprits vagabonds. Je contemplai les quelques étoiles qui resplendissaient sous mes yeux. Je les comptai : une, deux, trois… quatre, cinq, six… sept, oui sept étoiles, toutes accrochées au firmament. Là l ‘étoile polaire, je la reconnais… Quel joyau ! Ces bijoux qui ornaient le ciel enjolivaient sa noirceur. Où n’est-ce pas plutôt le noir qui embellit les étoiles ? Un astre sur un fond blanc serait invisible donc inutile, et on voit mal un ciel rouge ou vert tapissé d’étoiles. Par contre, deux couleurs neutres, deux couleurs réunies ensemble, qu’elle magnificence ! Toutefois, une grande différence s’impose : le noir est infini, le blanc défini* pour ainsi dire fini. Et hors de moi, loin de moi cette idée si ce fut l’inverse, si le ciel clair fut tacheté de millions, de milliards de points noirs d’un fléau d’insectes.
A cette apparition effroyable qui surgit devant mes yeux, je frémis. Je me soulevai comme réveillé d’un affreux cauchemar, brusquement. Là, je crie. Je hurle, horrifié par… Mon sang se fige. Mon corps se tend, se raidit. Mes doigts se crispent au sol. Mon cœur tout haletant, froid, me serre. Je sue, je pleure. J’étouffe… Là, ici, devant moi, sous mes yeux, tout près… une vision. Le ciel, l’espace, le même… oui le même que lui qui s’étend au-dessus de ma tête. Où suis-je ? Qui suis-je ?… Un homme !… apeuré, certes… Je me calmai un peu, rassuré que j’étais quelqu’un : un être qui respire, qui vit. Un homme qui a aussi des sentiments… Mais un homme qui aussi pense, réfléchit, raisonne, analyse ! Après sept minutes de réflexion éthérée, je réalise. Et c’est la crise de rire, incontrôlable. Je me tords, je m’entortille et je me lance, je plonge dans un excès de gaîté. J’entends un grand « Plouf ! ». Je patauge, je barbote. Je suis heureux… un homme heureux… Un homme heureux…
Je ressortis de l’eau, calmé, quelque temps après. Je regardai, souriant, le lac qui s’animait de temps à autre par quelques sauts de poissons. Je fixais la brèche dans la nappe de brouillard, semblable à celle du ciel , et dont j’ai tant eu peur. Ce n’était que le reflet, le double presque parfait des étoiles luminescentes du ciel qui s’inscrivait sur l’eau noire. Ce n’était que ! Non ! C’était merveilleux, fantastique ! Ainsi le ciel et la terre s’alliaient, s’unissaient, et les étoiles elles même ne se sentaient plus perdues et désorientées. Elles avaient chacune leur alter ego qu’elles pouvaient admirer, aimer et où elles pouvaient se réfugie , celui-ci pouvant partager les mêmes sentiments, la même confiance envers l’autre. Mon regard profond et tendre se perdait entre lumière et obscurité, entre noir et blanc. Mais, petit à petit, la mélancolie gagnai mon cœur . J’avais froid !
Plus tard, je me sentais détendu et d’humeur joyeuse, je marchais dans les rues dénudées (personne n’aimait donc la nuit ?), sombres et brumeuses. Pas un chat ! noir… Des lumières de lanternes traversaient le nuage de vapeur et tantôt s’apparentaient à des visions spectrales et tantôt à la lueur d’un feu tout proche. Tour à tour, elles refroidissaient et réchauffaient mon cœur. Je marchais, stoppais, continuais et ainsi de suite. Aux sensations insolites que me procuraient ces vues, j’éprouvais une curiosité, un plaisir toujours grandissant. Dans un délire, je courus follement comme des années lumières, comme un voyage à travers le temps – à la conquête de la quatrième dimension. Et un fou rire saisit mes tripes. Je butai sur un pavé de ville et chutai imprévisiblement dans un trou noir. Heureusement, j’eus le réflexe de poser les mains à terre et , rebondissant, je fis un coup de hanche puis retomba sur mes pattes, accroupi ! Comme un crapaud ! « - J’aurais bien aimé voir le ralenti ! Ça doit être pas mal dans le noir enfumé … ». En tout cas, cet incident inopiné me calma momentanément, même si je riais au fond de moi-même, cela se concrétisant sur mes lèvres par un sourire. Je secouai latéralement la tête dans les mains pour montrer tout le comique de ma situation. « Sacré moi… ». Mais le plus hilarant fut que pendant cinq minutes je restai planté là, bras croisés sur le ventre, sans me rendre compte du côté ridicule de ma position. Heureusement qu’il fut noir. « Merci à toi ! ». Et puis aussi que la ville fut déserte…
J’ai peut-être cette fois-ci parlé trop vite : un bruit de pas, de talons pointes perça le silence de l’atmosphère. « Ah ! une femme !… Fini le délire, faut que j’assume ! ». Je me relevais sur un claquement de doigts, dépoussiérai, s’il était besoin, mes habits, noirs, bien sûr, et cherchai au plus vite une solution pour la séduire. A ce prix, je m’adossai contre un mur et, dans tous mes airs, pris successivement plusieurs positions, ma foi assez pittoresques… plutôt burlesques : mains étendues sur le mur, bras embrassant mon torse, pied sur le mur la jambe pliée… Finalement, je me positionnai pieds à terre, jambe légèrement infléchie et mains dans les poches. « - Mais il y a de grandes chances qu’elle ne me remarque pas », pensais-je. « Que faire pour attirer son intention sur moi ? Rouler un caillou ? S’il s’en trouve un ! Taper du pied ? Stratégies guère appropriées ! » Une étincelle illumina mon esprit. Je levai mon visage serein face au ciel noir et entonna de ma plus belle voix, entre ténor et basse, ma chanson de prédilection : « Dark in the night » :
I see the black
The black in the night
Takes over to the light
And don’t come back
Je sentis de plus en plus précisément l’approche de la femme inconnue. Une odeur grisante, un parfum capiteux de son corps s’exhalait et faisait perdre mes sens… non, mon sang froid ! Je me retins de la regarder, coûte que coûte, pour ne pas trop me déconcentrer. Mais ma voix, plus forcée, trahissait mes émotions, mon désir inassouvi de la voir lorsque je chantais ce couplet :
I see the moon
See then by far
But kisses me soon
Soon … soon… soon…
La femme m'accompagna , d’une voix chaude de soprano au timbre argentin, pour le leitmotiv :
I see your light
Dark of the night
I’m in your side
« - Ah quelle voix d’ange ! » Et je ressentis un léger malaise, non pas dû à la honte mais au trouble que me provoqua son chant si beau, et même davantage, de l’accord parfait et attendrissant qui émanait de nos voix. Je profitai de la pause pour, tête en haut, reprendre une respiration normale, ce qui permit par la même occasion de nettoyer mes cordes vocales. Je me contrôle, j’inspire, j’expire chaque fois que je le peux, de la façon la plus discrète (je fais mon possible), mais je tremble, mon cœur bat vite, douloureusement. Béni soit Dieu, j’arrive à chanter malgré moi ! Et puis il y a ce bénédictum, la voix de la femme qui m’encourage, et je persévère. Je continuai, elle me suivit :
Oh! when your mine baby
Every night
All that’s fine baby
Après ce dernier vers, je ne pus me maîtriser ; il fallait que je la voie, que je la regarde, je devais la contempler, la parcourir, l’admirer. Je l’avisai, craintif, tout timide que je suis, car j’avais peur pour mes yeux, qu’ils s’abîment ou encore, ce qui est encore plus proche de la vérité, qu’ils abîment, salissent son âme, qu’elle s’enfuit, que je la perde pour toujours ! Je ne pus supporter sa vue. Agité, énervé, affligé, la hantise au cœur, je m’égosillai, aveugle, à chanter ces paroles :
Oh baby, please, don’t go away ! …
Instinctivement, j’ouvris mes paupières, m’assurant de sa présence. Et presque dans l’immédiat, lorsque je lançai ces interjections :
un sourire… un sourire si… com…comme… enfin, un sourire ! s’afficha sur ses lèvres et rehaussait ses, mes traits faciaux. Cette chose anti-dépressive fut comme une panacée. Aussi, nous nous dévorions des yeux et je lorgnai sans alarme la femme mystérieuse parée de noir. Son visage ingénu, la candeur d ses yeux sombres étaient une brise rafraîchissante. Hardis chantions en cœur le refrain :
I feel your light
Dark of the night
I’m in your side ! …
I’m in your side…
Quand, à la fin, levant mes yeux, je mirai le ciel, le ciel qui se dégageai peu à peu de son manteau blanc, et bramai à mon insu ces derniers mots :
Oh please my god ! …
Let me die in the dark !…
I’m the dark of the night…
I’m the dark…
Une larme chaude coula sur ma peau fraîche, le long de ma joue gauche. Je baissai la tête. Je regardai la femme. Ses yeux noirs brillaient et pleuraient. Son visage était mouillé. Un sourire exquis s ‘esquissa sur ses lèvres rouges et sensuelles, humidifiées par les larmes. Je lui rendis un tendre sourire, et, sortant de ma poche ma main réchauffée, étendis mon bras et effleurait, séchait, et réchauffait du bout des doigts sa peau douce rafraîchie. Elle saisit ma main, l’appliqua sur son visage charmant et en caressa ses formes délicates. Ma main suait. Elle la descendit lentement contre son cou et la pressa fort contre sa poitrine. Je tremblai. Elle me soutint un regard doux et pénétrant. Ses yeux pétillaient. J’avais la nette impression qu’elle scrutait mon âme et elle en avait mal. Enfin, elle déclara d’un ton sensible et chevaleresque :
« - Oh, j’ai entendu tes appels dans la nuit comme les chants plaintifs des loups, ta voix m ‘a charmé, ton cœur m’a conquis et je suis tombé en amour avec toi. A présent, je t’offre mon âme inconditionnellement. Je te désire et demande d’être ta femme, ton aimée, pour l’éternité. Devant Dieu et les myriades d’anges : Me désire-tu pour femme ? Veux-tu être mon homme ? »
Des larmes, abondantes, affluaient sur son visage pur. Elles s’acheminaient vers le faîte de ses coussinets, et puis, retombaient au coin de sa bouche.
« - Oh toi, femme de la nuit. J’ai entendu tes pas dans le brouillard et je te sentis te rapprocher de moi comme une féline, dès que mon chant eut caressé tes tempes. Ta voix qui m’accompagna était si sensuelle, si mélodieuse que j’en fus confus. Et quand je t’ai vu, mon ton fut perturbé. Ta beauté de corps et d’âme est incomparable. Je remercie la providence divine de t’avoir rencontré. Tu es pour moi aussi belle, aussi désirable que la nuit noire, oh ma féline mystérieuse, oh mon étoile perlée, aussi précieuse que les diamants du pays d’Ophir. Aussi, j’ai envie de toi. Je désire te posséder, t’aimer, te chérir. Nous vivrons, coucherons, rirons, pleurerons, souffrirons et mourrons ensemble ! Rien n’altèrera l’amour qu’on se porte, même si le destin doit nous séparer ou frapper l’un de nous. Que Dieu bénisse notre union et que cette nuit unissent nos corps et cœurs à jamais… »
Nous nous baisâmes tendrement sur les lèvres et y mêlèrent nos larmes sucrées.
Tout se passa comme dans un conte de fées. Que d ‘évènements nous dépassent ! Je ne dis pas ‘ inattendues’, puisque cette rencontre miraculeuse au clair de lune répondait aux cris inexprimés de ma solitude. En effet, tous ces astres lumineux dans l’obscurité nocturne possédaient chacune leur double ici-bas, mais pour moi ce n’était qu’une ombre invisible qui s’épuisait dans le vide.
Ainsi, je trouvai mon étoile correspondante dans la nuit. Et, de façon originale, nous nous marrions sans même connaître notre nom. Qu’importe de l’apprendre avant ou après ? Je crois que notre nature curieuse jugeait le mystère prolongé plus sensuel, plus… en un mot préférable qu’un « Comment t’appelles-tu ? » brutal et grotesque. L’important, notre amour, ne tenait pas du détail mais d’une attirance mutuelle, comme deux pôles opposés de deux aimants. Nos personnalités distinctes et pourtant si correspondantes nous semblaient découvertes dans leurs lignes fondamentales. Cela nous suffisait et laissait tout à notre loisir de découvrir postérieurement nos pensées et charmes intimes, et puis… nos péchés mignons…
La nuit noire s’adoucissait et s’éclaircissait de plus en plus. Nous marchâmes mains liées dans la ville lumineuse. Nous nous disions des mots doux, parfois dans le creux de l’oreille et d’autres fois par un simple regard.
Parmi toutes les choses que nous partagions, elle me fit une remarque intéressante à laquelle je n’avais même pas songé :
C’est quand même bizarre la vie !, me dit-elle.
Euh… oui, oui ! répondis-je, un peu décontenancé, mais… pourquoi ? , ajoutai-je, l’air ahuri.
Elle pouffa, puis éclata de rire, candidement. Un rire !… très féminin, enchanteur et surtout… sensuel. Je ne pouvais que rire à mon tour ! rire de… de quoi ?
Eh bien ! mon petit bijou unique… Bien quoi, qu’est-ce qu’il y’a, ça ne va pas ?
Tu m’as dit « petit bijou »… me plaignis-je, le visage allongé.
Elle s’esclaffa de plus belle, je riais de même.
Ah ! tu manques pas d’humour !… Je t’aime autant comme ça !… Mais revenons à notre question originelle !… oui…
Et originale !… interrompis-je, plein d’entrain.
Ah oui ! et en quoi ?… Enfin bref, je te disais originellement…et originalement si tu veux, que la vie est parfois bizarre… Aussi bizarre que toi…Non !… fais pas la bouboune… c’est un compliment !
C’est vrai ? dis-je d’un ton naïf.
Mm, mm !… m’assura t-elle d’un air enjoué, par une sorte de pépiement cotonneux et émoustillant. Non, mais…enfin oui, c’est bizarre la vie, que l’on se connaisse depuis si peu et que l’on soit déjà marié et avec le sentiment de s’être rencontré depuis longtemps ! Tu ne trouves pas ?
Si… si, si, c’est vrai ! c’est aussi bizarre que nous deux. Mais c’est la nuit qui porte conseil !…
Et Quel conseil !… s’exclama t-elle. C’est un compliment ! ajouta t-elle ironiquement. Non, je plaisante – excuse-moi…
Non, ce n’est pas grave ! Ce n’est que le début d’une chaîne sans fin !… C’est un compliment !
Elle ria et rions ensemble, nos têtes accolées, comme deux tourtereaux qui roucoulent.
Cette conversation animée nous rapprocha inéluctablement. Nous témoignions, ainsi, davantage de notre amour sincère.
Nous marchions dans les rues de Blackinburg, tournions en rond sans savoir vraiment où nous allions. Nous en discutâmes et je lui proposai enfin de nous rendre au petit lac charmant dont je ne manqua** pas de lui parler auparavant. C’est ce que nous fîmes. Le lac était là, à un peu plus d’un mile, ce qui faisait approximativement vingt minutes de marche à pas lents. Nous continuions à converser quand, un moment, j’interrompis un silence qui s’était installé depuis une minute et demie et demanda à la Femme, oui l’unique, celle que j’aime, qui est à moi seul, celle qui m’aime et à qui j’appartiens tout entier :
Habites-tu depuis longtemps à Blackinburg ?
Oh non ! Je suis française d’origine québécoise.
Je ne l’aurais jamais pensé. Tu as un accent parfait !
Merci… Oui j’habite une petite ville sur la côte est de la baie d’Hudson. Mes parents y ont immigré il y’a maintenant une décennie, j’avais alors environ treize ans. Très tôt j’y appris l’anglais qui devint ma seconde langue. A présent je suis ici pour une petite job d’esthéticienne, et surtout, parce que j’aime ce pays… Et toi, tu habites cette ville depuis longtemps ?
Depuis six ans, presque sept. Mes parents, mon frère et moi habitions dans le sud-ouest de la France. Nous nous installâmes à Blackinburg pour des raisons multiples et complexes. J’avais dix neuf ans. L’année de mes vingt ans, je louai une maison indépendante près du lac. Un an après, mon père et ma mère, qui habitaient un château, sont morts, pour une cause qui reste inconnue. Il me reste que mon frère qui s’est installé à Londres.
Je baissai la tête et essuya une larme.
Je suis profondément désolé… me dit-elle émue.
Y’a pas de quoi, c’est tout à fait naturel de poser ces questions… Mais je t’avoue que je n’aime pas ce genre de discussions déplaisantes et futiles… Peut-être pas futiles quand même !… Mais c’est le sujet type de conversation banale, trop réelle, concrète, que l’on entend dans tous les coins de rue. Ca me détruit, me désole… Quant à ma question initiale, je ne demandais qu’un oui ou un non, cela me suffisait. C’est de ma…
Oublions tout cela, tu veux ?
Du fond du cœur !
Nous nous embrassâmes pour valider notre commun accord.
Dis-moi, ma petite étoile… me dit-elle gentiment. Nous nous échangeâmes un sourire et un clin d’œil, puis elle continua : N’aurais-tu vu personne dans la rue avant de me rencontrer ?
Ah …non… Non non !… Pourquoi ? l’interrogeai-je.
Parce que… avant que je ne te rencontre, j’ai entendu des hurlements, des bruits de pas précipités sur les pavés, et d’un coup, le vacarme s 'arrêta net…
Il suffit de cela pour me dérider. Je me pliai en deux, puis en quatre, et m’effondrai au sol, au point qu’elle ne savait pas si je me dilatais la rate ou si c’était une véritable crise d’hystérie. Je me calmai après plusieurs longues minutes et lui expliqua toute mon histoire gondolante, et c’est effectivement ce qu’elle a eu pour effet sur elle et moi. Ce petit incident nous fit arriver cinq minutes plus tard que prévu à notre destination.
Je lui présentai les lieux et ma demeure assez succinctement. Je dis « succinctement » car, par définition, quand deux êtres s’aiment, un homme et une femme**** , et par-dessus tout vierges, ils trouvent choses plus intéressantes à faire que de discuter et se restaurer autour d’une table, solennellement.
Oui, même les étoiles font de la gymnastique astronomique ! Et je puis même vous convaincre qu’elle est non seulement intersidérale, mais aussi extra sidérante !
C’était une nuit idéale pour faire de l’exercice physique : temps doux savamment pimenté, une légère brume traînant sur nos têtes, et puis, juste assez de lumière pour savourer nos charmes et exciter notre curiosité. Elle avait tout pour éveiller mon intérêt : elle était belle. C’est plus fort que nous, ce n’est pas nouveau, nous les hommes - les femmes aussi - on aime la beauté. Quoi de plus normal ? Ce n’est pas un péché de choisir ce qu’il y a de plus beau dans ce que la nature a à nous offrir. Encore, il n’y aurait que des tarés en ce monde !… Euh… excusez-moi, je parle de tares physiques. Filles disgraciées, je vous donne toutes mes condoléances, mais, rassurez-vous, la beauté de votre âme ne périra pas !… Je passe par respect et simplification sur les tares mentales… !**** ! Oui, elle était belle… et la beauté, si elle n’est pas indispensable, au fond, elle n’est pas inutile, loin de là, elle m’est même souhaitable, et le souhaitable est réalisable… et réalisé !…
Nous étions près du petit lac charmant, debout, tous deux, mains dans les mains , face à face, à nous reluquer dans le noir des yeux. Mais rien ! Du moins pour l’instant. Elle me voit, je la vois, mais rien qu’une lueur dans ses yeux. – Persistemment* à regarder contentons-nous !* - Idem ! dans mon regard. Ce jeu semblait s’appeler : « Faire durer le plaisir » ou « le jeu de la provocation par le simple regard ». « - Celui ou celle qui succombe le premier et touche la première note, signal de départ, a perdu » en était la règle.
On restait une, cinq, dix, quinze minutes, un quart d’heure sans mot dire, sans geste. Enfin, comme pour attendre la première goutte d’eau d’un second déluge universel, la Femme levait la tête vers le ciel, quand son ample béret noir, enveloppant sa toison et libérant quelques mèches qui retombaient sur son front, tomba et s’affaissa à ses pieds. Ce fut le feu ! Une avalanche de flamboiements, une abondante et chaude crinière , une myriade de cheveux sauvages et alezans dévalèrent et se dispersèrent de tous côtés, superbes.
A ce moment là, le visage pâle de la nuit se teinta des pigments de sa longue chevelure ; une lune de miel s’annonçait magnifique.
Une longue parade nuptiale commença : la femelle séduisait le mâle, car la femelle désirait le mâle, comme le mâle désirait la femelle. C’est ce qu’on appellerait chez les Hommes avoir droit à un petit strip-tease sympathique ! Enfin, sympathique… ! C’est qu’elle me rendait de plus en plus nerveux et envieux, cette fille là ! cette… petite aguicheuse !… Oui, bon… allumeuse, si vous voulez ! D’ailleurs, elle le voyait bien ; mais justement, c’était fait pour. Ainsi, elle mettait, exprès, un temps exagéré à se déshabiller, en passant par tout gestes, danses et poses exhibitionnistes. Une illustre démonstration qui voulait dire : « quand on aime le mystère, on l’aime jusqu’au bout ! » C’était réussi ! Quand même, c’était pas un jeu déplaisant ! et en surplus, pas du tout ennuyeux… Je dois bien avouer que j’y ai pris un pied d’enfer ! Je jouais le jeu avec le plus grand plaisir. A vrai dire, pour l’instant je n’avais qu’à me laisser enrôler comme spectateur et admirer en silence. C’est bien cela qu’elle recherchait, et elle n’était pas sans en rire secrètement ; je le voyais dans ses yeux et sur ses lèvres qui parfois souriaient de mes réactions. Même que… elle… la curieuse, regardait souvent en dessous de la ceinture ! Malheureusement pour elle, elle ne put discerner, manque de clarté, le moindre mouvement ou gondolement sous mon pantalon.
Afin de satisfaire son désir déçu, elle vint à moi, ôta mes chaussures et me déshabilla de mes vêtements noirs. Elle s’attarda plus spécialement à déboutonner ma chemise en soie et exprima son extase. Ensuite, elle desserra ma ceinture, enleva avec bonheur et empressement mon jean, et me laissa, pour tout gain, mon caleçon noir et soyeux. Elle fut ravie ! Surtout quand elle remarqua les pulsions accentuées sous l’étoffe de ma petite tenue…
Je vous le dis, il n’y a rien de plus excitant que de regarder une femme se dévêtir et de se faire déshabiller après, par cette même femme en tenue légère !
Elle était juste assez dénudée pour m’embraser de désir. Elle portait des sous-vêtements en satin noir. Son corps était déjà magnifique ! et… elle en avait !… Elle remarqua mes petites attirances particulières, afficha un sourire révélateur et plaisanta en disant :
Ah toi, t’es pas un homme pour rien ! Tu sais où mettre tes yeux !
Bah… entre nous… j’aime bien les seins comme les tiens, de bonnes mensurations.
Bien sûr… !
T’en doutes pas que j’apprécie peu, même pas du tout le cas J. B !
Oh, tu m’étonnes !
Tu crois ?
Non.
Pourquoi ?
Sans raison. Je ne sais pas. Enfin… Sans doute parce que si j’étais un homme, j’aimerais bien les seins bien développés.
Oh tu sais… ce n’est pas le cas de tous les hommes ! y’en a qui raffolent des petits !
Tiens bon** ! s’exclama t-elle d’un ton dont je ne pus discerner si c’était de la surprise ou si elle me charriait gentiment.
Eh bien regarde, continuai-je, y’a qu’à voir tous les hommes qui rôdent autour de J.B ! tu crois pas que ses seins, aussi petits et discrets soient-ils, ont du succès ? Combien de fois elle a été invitée à Télé-tétons !
Je ne sais pas ! me dit-elle en riant.
Moi non plus !…
Nous marquâmes une pause, puis je dis :
Remarque, à l’opposé, je n’aime pas trop non plus le genre S.F !… Non, les bonbonnes, c’est pas mon truc.
Et moi, c’est quoi alors ? me demanda t-elle.
Des bonbons !
Nous rîmes. Reprenant son sérieux, elle murmura avec provocation ces mots :
A toi d’en découvrir le parfum…
Bien sûr mon amour… lui répondis-je de la même façon. Mais auparavant, je grimperais au dattier et j’en saisirai les grappes…
Comment sont les dattes ?
Belles…mûres…et bien pleines… !… Car à en juger, tu as de quoi remplir les mains d’un honnête homme !…
Tu en es bien sûr ? me taquina t-elle. Et puis, il ne faut pas te leurrer, car… ce sont de faux seins !
Oh blagueuse provocante, tu veux essayer de me décevoir ! mais je les vois, je les entends, je les sens palpiter de désir et se bomber de jalousie…
Allez viens… Approche… et vérifie par toi-même…
J’arrive… Seulement, aussi tentants qu’ils soient, je les ferai quand même impatienter à en mourir. J’attendrais jusqu’à ce qu’ils crient vers moi des supplications !
Je m’approcha** de son corps et l’embrassai : et sa bouche, et ses yeux, et ses seins, tout son corps enfin (non…pas si vite, Laurent !) ! Non, je n’empruntais pas ce parcours rapide. Tout près de son corps, j’effleurai, caressai, cajolai, embrassai, léchai, mordillai la texture de sa chevelure de rêve dont je ne cessais de dire combien elle était merveilleuse et combien je l’aimais. J’entrepris les mêmes gestes tendres avec son visage :les oreilles, le nez, les yeux, cils, sourcils, les lèvres, la bouche ; partout, chaque recoin. Nos langues actives mijotaient un cocktail délicieux et donnaient à notre baiser un goût mystérieux, suave et sensuel. Je progressai, ensuite, vers le bas, jusqu’au moment où je rencontrai un obstacle : sa brassière. Je mis les mains derrière son dos afin de décrocher son balconnet, mais elle arrêta mon geste volontaire. Elle se chargea bien une fois de plus de m’aguicher à m’en faire mourir ! Quelle taquineuse ! Enfin, quand elle eut jugé nécessaire et le moment propice, elle découvrit elle-même sa poitrine. Céleste, noble, opulente elle était, et rendue encore plus belle, plus désirable sous les chatoiements affectueux de la nitescence nocturne qui, comme des vaguelettes ondulées flottaient sur sa peau mysticisée* de noir. C’était tel une nouvelle, une seconde peau intime. Elle lui allait parfaitement bien. Ses avant-gardes avaient une forte impression sur mes yeux (et pas seulement sur ceux-ci !) qui ne les quittaient pas. Ces saints anges, dont l’auréole glorieuse couronnait leur tête, m’appelaient à eux. Magnétisé, mes mains, sénestre, puis dextre, se posèrent sur ses seins angéliques, soigneusement. Je sentis un petit frisson de plaisir sur son corps chaud, réaction qui me donna plus d’assurance dans mes gestes. Je les couvris de caresses et les pelotai délicatement. Ils se gonflèrent. Ma langue flattai aussi sa peau douce et je suçai ses mamelons qui se durcirent. Le buste courbé et la tête penchée vers l’arrière, elle respirait fortement et quelquefois poussait des petits cris de jouissance. Je vis une perle lactée se former et se figer sur son giron maternel. Elle se détacha et glissa sur les courbes lisses du dessous du sein. Je la récoltai du bout de la langue et la dégustai. Je lui fis part, à ma tendre aimée, du plaisir immense et unique que j'’ éprouvais de goûter à la quintessence de ses seins, d’un parfum singulier, voluptueux et indescriptible. Comme pour m’assurer de sa satisfaction, une autre perle, plus raffinée, s’offrit à moi si ingénument que je l’accueillis d’une grande hospitalité dans mon écrin. Elle était encore plus savoureuse que la première.
Je descendis le long de son buste gracieux et affectionna son vase de la liberté, le bel ornement de son ventre. Il en ressortit un vase de sanctification, d’un beau poli. J’abordai le bas-ventre et ôtai son petit morceau d'étoffe brésilienne cachant se parties secrètes. Dans la nuit, une tulipe noire pure se détachait sur sa peau assombrie. Doucement, je bichonnais sa Tulipa nigra Montus de Vénus et découvrais sa fleur : sa feuille, ses sépales et pétales, son cœur et autour de son bouton de Rose. Tandis que d’une main je caressais son sexe, je tripotais d’une autre sa croupe rebondie et le galbe de ses cuisses. Des souffles réguliers recouvraient mon silence. Un moment donné, Elle saisit ma main. Je me relevai. Nous nous échangeâmes un sourire amoureux entre un doux regard. Je lui fis un clin d’œil et d’une voix grave lui dis : « Testé et approuvé ; peut être offert ! » On riait dans notre gosier. Elle me dit ensuite :
tu as été parfait !… A moi de jouer maintenant !
Confus, je baissai la tête. Ne comprenant pas ma réaction, elle me demanda expressivement :
Qu’as-tu ? Tu as l’air embarrassé…
Je…Je… Je suis gauche, balbutiai-je.
Mais non, tu as été très adroit ! Je t’assure…
Non, non, ce n’est pas cela dont je veux parler… Je suis embarrassé parce que… disons… mon… il est un peu tordu et vire légèrement sur la gauche.
Qui ? Quoi ? me lança t-elle en riant.
Mon sexe
Elle éclata de rire et m’avoua :
Oh ! tu m’as fait peur !… Console-toi, ça ne me dérange pas du tout ! je trouve cela, au contraire… certes insolite… mais charmant !… oui charmant !… de par son originalité. Et puis… t’inquiète pas…si ça te gêne trop, je te le redresserai !
Nous nous esclaffâmes.
Je peux ? me demanda t-elle en posant ses mains autour de ma taille.
Je lui répondis par l’affirmatif de la tête. Je la sentis se réveiller. Elle baissa mon caleçon noir en soie. Mon Arum immaculata jaillit devant ses yeux, tout érigé, d’une belle taille (oh, ne vous imaginez pas une verge hallucinante de dix-huit-vingt sur trois virgule cinq centimètres de diamètre ! Il était plus modeste. La modestie ! Qualité négligeable ? C’est certes une question de goût en matière de sexe, mais ne vous en déplaise, maintes femmes trouvent mille fois plus de plaisir avec une petite courageuse qu’une grosse paresseuse !). Elle sourit et s’exprima attendrie :
Tu as un très beau sexe !
Ma verge, enthousiasmée par ce compliment, se contracta dans un petit mouvement vers l’arrière. Elle continua par ces mots coquins :
Tu vois, si j’avais une chanson à faire sur toi, elle s’intitulerait un Zob extraordinaire !
Mon phallus se pencha d’étonnement vers l’avant et tomba ramolli quand je me mis à rire. Elle fut bidonnée quand elle vit mon membre ‘viril’ chuter et pendre dans le vide ; entre mes jambes, un pénis.
Fais pas l’innocent ! Allez, réveille-toi ! s’écria t-elle. Attends, j’ai un remède !…
Elle le toucha, l’étreignis en douceur avec ses doigts, et il se dressa d’un bond. Elle le caressa de bas en haut, d’abord mon pubis noir et frisé, puis la peau tendre des bourses, quand elle s’exclama :
C’est drôle, on dirait de la chair de poule !
Je souris. Ensuite, elle s’amusa beaucoup, pendant quelque temps, à rouler mes testicules. Quand elle eut fini de jouer avec, elle remonta sa main et pressa entre le pouce et l’index, à la base de ma verge, et nous sentîmes une violente pulsion, ainsi que le pouls rapide de mon muscle viril. Enjouée, elle monta lentement le long de mon phallus (légèrement arqué) qui ressenti des titillations excitantes. Enfin, elle acheva son opération par les caresses du gland, si doux qu’elle en tomba amoureuse. Tandis que je jouissais de ces stimulations, il s’enfla tout écarlate et luisant sous ses doigts habiles. Ma fière ouvrière, ayant les tous pouvoirs sur mon sexe, stoppa à temps une montée de sperme.
Après s’être enfin intéressé au reste de mon corps, cette petite vicieuse, elle remonta et me dit d' ’un petit air malin :
Idem !
Idem quoi, lui dis-je un peu surpris.
Testé et approuvé. Peut être offert !
Ah bien joué ! T’es fine… la félicitai-je, le sourire aux lèvres.
Dis-moi, tu en as pas marre d’être debout ?
Si. Et puis on sera tout aussi à notre aise par terre pour faire l’amour !
Sur ce, elle enroula ses bras autour de mon cou et sauta pour atterrir dans mes bras. Je déposai ma princesse au sol et m’étendis au-dessus d’elle. Désormais, tous deux, corps enlacés, partagions mille ébats amoureux en roulant dans l’herbe. Soudain, je la stoppai et me soulevai sur mes mains pour la caresser entièrement de mon sexe raide qu’elle tenait, quand il fut à sa portée, dans sa main. Ce fut pour nous deux un jeu érotique d’une grande volupté, surtout lorsque je le pressai contre son mamelon en feu et que du sperme opalin l’arrosa. Il s’érigea et en sortit une source de lait qui s’unit à ma liqueur. Ces liquides réunis par une mutuelle concupiscence, ensemble glissèrent sur sa peau d’albâtre et retombèrent entre ses seins ravivés. Cette rosée du soir fut si agréable que ses traits et tout son corps s’en trouvaient détendus. Je pénétrai dans la Vallée des merveilles où , paisiblement, coulait un petit ruisseau de lait grisé par l’amour, tandis que, réunissant de ses mains les deux monts de feu que nulle disgrâce ne touchât, elle enserrait le fruit de mes entrailles pour tout le vider de son jus d’ivresse. Pressant la coupe de ses seins encore débordants de richesses naturelles, la gorge fut inondée. Sur son ventre s’écoula le fluide laissant derrière lui une traînée brillante sur la peau. Il remplit son vase et s’infiltra dans son mont de Vénus. Par un doux massage, je lui enduis de ce liquide onctueux tout son buste qui, petit à petit, s’embellissait, lustré, sous mon regard et celui de la nuit. Elle aussi m’en appliquai : sur le visage, autour de mon cou, sur les épaules et mon torse. Nous aimions ça. C’était un peu frais sur la peau, au début ; mais cela faisait si chaud au cœur !
Pendant que je continuais de la caresser, elle, écartant les jambes, m’invita instamment et dit :
Entre dans mon jardin de délices et enivre-moi de tendresse… !
Oui… ! là où tu accueilleras mon fruit d’amour, là aussi sera mon cœur…
Ce fruit, je l’embrasserai du doux baiser de ma bouche… ! J’humectifirais* ta peau de soie et ta pulpe deviendra turgescente jusqu’à ce qu’elle éclate en mon sein et répande, dans mon jardin, l ‘élixir de la volupté… !
Dans ce pays mystérieux y couleront du lait et du miel et il y fleurira comme au paradis d’Eden, entre le Tigre et l’Euphrate. Je me délecterais, à l’intérieur, de tous les parfums… ! Tes fruits seront, plus que jamais, succulents… Gorgés de jus, je goûterais leur saveur… !
Pour savourer tous ces délices, ô mon amour, grimpe et franchis le mont du Taurus et circule dans mon Eden en triomphe, brandissant le flambeau… ! Répands ta lumière dans mon corps… !…
Elle ouvrait largement les cuisses chaudes, la vulve dilatée, prête à accueillir mon sexe.
Are you ready, my love… ? lui dis-je d’une fine et douce provocation.
Oh yes… ! all ready… répondit-elle du même ton.
Elle se saisit de ma verge rigide et la dirigea sur son mont de Venus.
Il sera comme l’os…(mon fruit perça la toison noire de l’intimité) de ta chair, le sceau de notre… amour… Respire !…
Il …ne chan…cellera jamais… ah-ha… ah-ha… Ha-Haaa… ! Oui !… Je le tiens !…
Ses pétales de rose embrassaient mon bourgeon de printemps étroitement.
Je t’aime…
Je t’aime… mon beau centaure… Pénètre mes entrailles, je veux encore de ton amour… !…
Je te l’offrirais entier… !… Je serais ton centaure intrépide pour l’éternité… ! oh ma femme merveilleuse !…
Je serais, pour toi, Mira, la merveilleuse…
Mira, Mira !… Ma belle Mira !…
Encore !… Oui ! ah-Ha… ! Ah-Hah… ! Haaah… ! Oui… encore ! Ton sexe vi…ril est bon… Haa… ! C’est une…pa…nacée… pour mon âme… !
Sa Rose s’ouvrait et se contractait comme un corail pendant le mouvement va et vient de mon sexe.
O mon bien aimé, lui dis-je, marquant un temps de pause, - ton amour, tes sentiments, tes sensations m’ excitent !
Oui… je prends plaisir à exciter l’amour de celui que j’aime. Pourquoi resterai-je indifférente à ta tendresse et ta vigueur ? O mon amour… !…
Sur quoi, nous inversâmes de position. Elle trouva le plus grand plaisir à être l’actrice principale de la scène. Mes mains moites étreignaient son bassin qui faisait des vagues. Ses initiatives et sa grande dextérité me ravissaient.
La nuit chaude et orageuse finit par produire de la foudre : blancs éclairs illuminaient et dévoilaient la plénitude de notre nudité, furtivement, chaque fois abandonnant à nos yeux ivres une image spectacle qui restait gravée indélébile dans nos mémoires : un regard pétillant, un visage ému et évasif, une bouche béante qui happe dans le vide, des perles de lait qui suent, des lèvres rouges dégouttant d'eau, une main fidèle qui étreint la chair, une longue chevelure rebelle et enflammée qui se balance au gré des sens, des boutons fleuris, écarlates sur une poitrine plantureuse qui, suspendue, palpite ; enfin, un mouvement jouissif entre des cuisses ouvertes, où s’unissent nos corps blancs.
Nous sentîmes des gouttes d’eau clapoter sur notre peau, et bientôt, parmi éclairs et tonnerres, une pluie torrentielle trempa nos corps nus. Ajoutant à nos contacts charnels une grande sensualité, nous fûmes emportés d’une jubilation ineffable. Une excitation intense nous pris et accélérait nos halètements. Mira, maintenant allongée, empoignait ma chevelure.
Encore !… Encore !… mon Centaure, mon Amour ! cria t-elle.
Oh !… T’es…bonne…mon aimée ! Je t’aime Mi…ra… !… Haaah… ! Haaaa … ! Ha -ah… ! Ha- ah… !
Haaa… ! Haaa… ! plus vite !… Ah-ha… ! Ah-Ha… ! ah-Ha… !… Oui !… Oh oui… !…
Elle serra fort le petit oiseau qui reposait au fond de son nid douillet. Ce fut un « Aaah-Haaa.. » général. Nous partîmes tous deux au septième ciel. Un, nos corps se confondaient dans le cosmos. Ils tournaient et tournoyaient et roulaient et dansaient et valsaient et volaient et voltigeaient dans l’éther, dans une vertigineuse et sensationnelle montée au paradis noir. Enfin, un sentiment, une sensation d’extrême bien-être, d’accomplissement, nous éprouvâmes. Ce fut un moment fantastique et inoubliable.
Notre jouissance absolue ne tint pas seulement de l’alliance de nos corps, mais aussi de celle de nos âmes et esprits. En effet, l’amour érotique se forge et est purifié qu’au feu à la fois immanent et transcendant de notre conscience, et n’existe vraiment l’entente, et par de-là toute satisfaction, que dans la mesure où celle-ci est complète au niveau corporel, intellectuel et spirituel.
Elle me serra vivement contre tout son corps, et m’étreignant les cheveux, me léchait les yeux et tout ce qui se trouvait sur son passage, comme un animal aveugle. Nos visages trempés de fièvre s’attouchaient* et s’embrassaient éperdument dans le noir. On cherchait, avides, les larmes de la félicité s’enroulant sur la peau dans tous les sens. On divaguait, on s’égarait, ça et là, comme pour combler tous les blancs, toutes les lacunes du bonheur, tous les espoirs déçus ou expirés, tout, aussi, les moindres creux qui au fil des saisons s’inscrivent à fleur de peau ; enfin, comme pour étouffer et effacer, même, notre lot de peines qui s’éternisent dans l’âme en secret.
O nuit d’amour, jamais ne t’éteins ! Peut-être, sûrement grâce à toi parviendra t-on à guérir notre cécité, nos cœurs incrédules qui vacillent et nos maux douloureux.
O Dieu, s’il te plait, n’éternue pas sur elle, pour que le jour se pointe ; il fait mal ! Car c’est une atroce réalité que l’on voit alors : les rêves s’effritent puis s’effondrent, nos vies prisonnières…
Il y avait beaucoup d’eau dans mes yeux. Mes paupières alourdies de peine se refermaient et les larmes débordantes s’enfuyaient sans aveux, me laissant de leur passage qu’un goût amer dans ma bouche.
Je la regardai et je voyais l’image immuable de ma mélancolie dans son fixe regard se collant au mien. Elle essaya de me consoler d’une tristesse incomprise, je pense parce qu’elle m’aimait. Alors étendit t-elle un petit sourire crispé parce qu’elle était dans le désarroi, et elle vit alors que je restais impassible parce que mes yeux étaient alors profondément enfouis au fond de mon âme et que c'était donc presque impossible de m’arracher à ce qui me retenait là-dedans. Sans doute que c’était très beau. émouvant. obsédant même. car il… Je…Elle pleurait, ne savait quoi faire, quoi dire. Désespérée, elle me secoua et cria mon retour vers elle, son amour pour moi ; et moi, j’étais comme une poupée molle et inerte entre ses mains souillées par la sueur et le sperme desséché.
Après larmes, coups, cris, je la vis, Elle, enfin : regard, visage mouillé, défiguré, désespéré. Mes yeux brillèrent. Les coins de mes lèvres suspendus vers le haut par deux fils élastiques m’accrochèrent à Elle, désespérément. A ce moment, je ne sais pas pourquoi, elle me frappa sur la joue gauche, puis immédiatement éclata en sanglots contre mon corps nu. Sur celui-ci, tremblant et encore froid, je sentis l’eau brûlante me transpercer avec douleur. Furtivement, elle gémissait toute contre ma peau des maux entrecoupés par des pleurs spasmodiques, et je caressais ses cheveux mêlés et gras, et puis quand elle se fut rapproché de moi, la tête entre ma joue et mon épaule où elle déchargeait son doeil*, j’humais son parfum. Je sentis aussi ses seins chauds, écrasés contre ma poitrine et frémir et battre et palpiter, et encore son sexe qui se frottait doucement et se réfugiait entre mes cuisses ; enfin, tout son corps comme une caresse à fleur de peau.
Les yeux embués, je lui ai dit que je l’aimais. Et elle m’a avoué la même chose, sensiblement, d’une voix presque éteinte. Mon regard était alors posé sur le firmament et se laissait de plus en plus distraire, envahir, soûler par cet éther noir qui me hantait et bientôt me possédait de façon diabolique. J’étais obsédé par le puissant désir de m’affranchir de mon corps de poussière qui me retient au sol comme un parasite qui, accroché à un arbre, ne peut se soustraire à son support vital sans se voir condamné à une mort certaine. Je voulais à tout prix découvrir l’inconnu, l’inédit, le mystère, voir, oui voir, le noir infini et transcendantal, et même, voir l’invisible, toucher l’intouchable, sentir l’inodore, entendre l’inaudible, goûter l’insipide…
FRAGMENT DETACHE
( deuxième fin dans laquelle Mira s'est transformé en mante religieuse géante)
(…) Nerveusement, les petites antennes noires frétillaient de joie ; les autres, avec agitation palpaient, tandis que les mandibules, d’une charnelle voracité s’acharnaient sur ma chair. Ca faisait des « Chrenk-chreck… Vrot-vrot !… » Prisonnier de ses faucilles en dentelle, son long corps traînait sur moi sa fièvre qui rapidement s’inoculait. Je ne pus résister à sa chaleur animale, à la brûlure de son corps, quand elle me saisit et avec force me pénétra, puis me pompait. Le corps tordu de convulsions violentes, tout haletant sous son excitation hagarde, je l’abreuvais, la nourrissait, mes yeux fixés sur la blanche lune et le ciel rempli d’étoiles. Je voulais que la nuit fut néant, que le plein se vide, que le couvert soit nu, que l’amour se meurt avant qu’au lever du jour il ne devienne insipide, avant que faute de lumière…
Elle, seule, dans sa nudité, maintenant se tenait sur ses pattes frêles et tremblantes, d’un geste rituel priait vers les étoiles s’exténuant une à une, et un embryon de douleur et de haine rougeoyait, figé, cristallisé au coin de son œil.
Mira.
Dans le roman Le compulseur, il a été question d’un certain Stanef Noufa confiné dans son univers livresque et iconographique. On va faire connaissance, là, de son homonyme, oui d’un autre Stanef Noufa, habitant lui aussi la « Terre promise », non loin du Jourdain. Ce Stanef Noufa là est bien différent, comme on va le voir – même s’il présente des ressemblances fortuites comme ce « roman »-ci qui ressemble à un poisson-scie.
Et si on commençait par une visite des lieux de l’histoire?
Une carte sera d’un support non négligeable à la description qui suit et qui, avouons-le, suit de près une encyclopédie biblique.
[Carte générale de la Palestine]
Une coupe transversale de la Palestine nous montre une vallée encaissée entre le Mont Hermon culminant à 2814m, (Mont dont la neige la recouvrant favorise la condensation des eaux nocturnes, ce qui produit une abondante rosée dans la région) et les Monts du Liban, plus bas en moyenne, mais comptant deux hauteurs exceptionnelles, l’une de 2100m, l’autre de 1800m. Si on suit du nord au sud la dépression encaissée dite la grande Rift Valley, appelée la Arabah dans la Bible, on descend brusquement des contreforts du Mont Hermôn au bassin de Houlé, où les sources du Jourdain formaient autrefois un petit lac. De là, sur quelque 16 km, le Jourdain a un cours rapide suivant un dénivelé de plus de 270m vers la mer Galilée , laquelle est à environ 210 m au-dessous du niveau de la mer. De la Galilée à la mer Morte, cette grande dépression de la croûte terrestre constitue la vallée du Jourdain proprement dite, vallée que les arabes appellent le Ghor, « dépression ». C’est une « gorge » large de 6 à 13 km environ, mais allant jusqu’à 22 km à Jéricho. Le Jourdain lui-même a creusé son lit à près de 45 m plus bas que le fond de cette vallée, et tandis qu’il serpente lentement en direction de la mer Morte, il perd environ 180m d’altitude. La surface de la mer Morte se trouve donc à près de 400 m du niveau de la Méditerranée, ce qui en fait le point le plus bas de la surface terrestre. Le lit du Jourdain, c’est à dire le niveau inférieur de la vallée est séparé du Ghor par des collines de marne grisâtre dénudées et érodées et est appelé Zor, Celui-ci est d’une largeur de 500m à 3 km.
La carte ci-dessous est plus explicite :
[carte de la Vallée du Jourdain]
Sous une chaleur dépassant facilement les 38°C, les étés succédant aux crues du printemps sont extrêmement chauds et humides en son sein tapissé d’épais fourrés d’épines et de chardons, de vignes et de buissons, de lauriers-roses, de tamaris, de saules et de peupliers. Autrefois, des lions rôdaient dans les « orgueilleux fourrés le long du Jourdain » nous dit le livre du prophète Jérémie.
Bref, c’est là que par un bel après-midi d’été, Stanef alla se poser sur la Butte, au sud du Jourdain près de Jéricho (« la ville de la lune »). C’était en effet là, d’après la légende yébousite* (peuple cananéen) que le géant Jarganthua, fils de Joshua, ayant enjambé le Jourdain aux jours de la moisson, décrotta ses semelles lourdes de boue, et qu’il laissa par la même occasion échoir un caillou qui gênait sa marche – énorme caillou appelé depuis lors par les yébousites « le coquin Jarganthua ». Cet épisode épique faisait jubiler Stanef Noufa. Il revoyait la scène comme si il y était, caché dans les orgueilleux fourrés le long du fleuve, là où se cachaient aussi les lions, et observer le mirifique Jarganthua posé sur la rive ouest et nettoyer une par une ses sandales après avoir fait échoué sans le savoir les contrôles yébousites postés aux soixante et un gués du Jourdain dont le but n’était autre qu’empêcher le peuple Iehoudim de le traverser et de conquérir l’Ouest, pays des païens, dont les yébousites faisaient partie. Et comment ? En lâchant au milieu de l’angle de 3 kilomètres d’ouverture formée par l’écart de ses jambes afin de joindre l’autre rive, où l’attendaient des tonnes de raisin, un pet colossal qui mit le Jourdain à sec, juste assez de temps pour faire passer le peuple Iéhoudim* dans un grand chant d’allégresse. Jarganthua veillait sur lui, prêt à piétiner (ou souffler) ces réputés « géant » nephilim à 24 doigts, qui lui paraissaient comme des sauterelles à ses yeux. Evidemment, c’était là la vision païenne, yébousite des faits. Il leur fallait nécessairement que leurs nephilims fussent battus par un Nephilim en puissance, de taille assez grande pour avaler des centaines de dieux et grossir son nom d’une Majuscule, symbole de l’Unité, l’Unique : Dieu. Que son nom même fut déformé en « Jarganthua » (ce qui le rallongeait considérablement) en dit long sur leur mentalité pour le moins enfantine, ce qui ne laissait pas de charmer Stanef Noufa plus que de l’outrer.
Stanef Noufa venait souvent sur la Butte pour y lire, bercé par le doux murmure fluvial. Oui, berger, mais pas inculte.
Une fois, il lut qu’un certain Cyrano avait, à l’aide d’une ceinture de fioles ascensionnelles, quitté la Terre pour la Lune où il avait découvert le Paradis « terrestre » dans lequel Adam et Eva avaient vécus heureux avant leur chute, où surtout il avait rencontré le prophète Eliya qui, bien après les géniteurs de l’Enfer terrestre, y avait monté en chariot-à-la-boule-d’aimant pour y tâter le fruit de science, et qui lui avait raconté qu’il avait jadis habité son Monde avec le prophète Elisha, précisément au bord du Jourdain, près de Jéricho, la ville de la Lune, où il vivait parmi les livres d’une vie assez douce pour ne pas regretter encore qu’elle s’écoulât. Stanef Noufa rigola à en faire friser le Jourdain, et pensa à cette autre phrase qu’il avait lu d’un autre auteur : Le bonheur est la possession perpétuelle d’une agréable illusion.
Stanef Noufa était berger avant–nous dit ? Non, pasteur. Pastoureau vu son jeune âge. Il avait abandonné la vie citadine pour retourner vivre dans le kibboutz qui l’avait vu naître et grandir. Il faut dire qu’être étudiant à Gaza n’était pas, à l’époque où je vous parle, ce qu’il y avait de mieux. Et il en avait plus qu’assez de ces guéguerres entre temple et mosquées d’Allah et Yah. Il se disait :
« Ne pourrait-on réunir toutes voix pour chanter à l’unisson : « Allahlou-Yah, Yahlou-Allah ? A t-on jamais vu guerre dans les cieux entre Dieu et Dieu ? Ne devrait-il pas y avoir paix sur terre comme au ciel ? Ne devrait-on pas justement fusionner les deux noms ? Yahallah-Allahyah. Ainsi, juifs et musulmans se rencontreraient en amis et en amis se sépareraient par un bienveillant inch-Yallah. Oui, et on n’hésiterait pas à prononcer le nom de Dieu : Yahallah-Allahyah. Son nom ainsi rallongé, Dieu n’en serait que plus grand. Ce qui n’est pas synonyme de tyrannique, fanatique, exclusif, belliqueux, etc. Le Jourdain ne serait pas partial. Tous les yeux seraient tournés vers un seul point médian dans le ciel entre La Mecque et Ihérouashelem. Cette nouvelle étoile serait nommée Ihéroualameck. On admettrait enfin que la Bible est né en Arabie et qu’elle est « morte » près de la Mer Morte où Jésus avait lancé son message de vie et d’amour que reçut par miracle sous une forme fraîche Mahomet dans le désert en Arabie et qu’on qualifia avec justesse alors d’ « Heureuse ». En retard de sept siècles, dites vous ? Non, le temps ne s’écoule pas de la même manière près de la Méditerranée que près de la Mer Rouge. Jésus et Mahomet sont contemporains si on fait coïncider les calendriers respectifs. Et quand bien même ne le seraient-ils pas, l’antériorité de l’un ou de l’autre ne fait pas preuve de la supériorité de l’un sur l’autre. Une récolte est-elle meilleure parce qu’elle est en avance ou en retard ? Un pain est-il meilleur parce qu’il est cuit à 6 heures du matin plutôt qu’à 6 heures du soir ? »
Ainsi raisonnait Stanef Noufa. Tant de questions laissées au silence. Il y avait de quoi se lamenter sur un mur. De silence en silence, la vie s’enlise, le jour tombe. « Pourquoi, Dieu ? Es-tu sourd ou rends-tu sourd ? Que n’y a t-il encore de Cyrano sur Terre ! Terre, es-tu un monde qu’il faille faire exiler les humains sur la lune ou le soleil ? »
Là, près du Jourdain, tandis que ses vaches pâturaient dans les fourrés, Stanef Noufa entendit un bourdonnement qui venait de la terre. Il baissa les yeux et vit une abeille posée sur un bouton dorloté par le zéphyr*. Il s’esclaffa :
« Ha ! Ha ! Le temps, c’est du miel, Seigneur ! Et les abeilles se meurent Hi ! Hi ! Hi ! Elles saignent, Seigneur ! Qu’importe les guerres et tout le reste face au destin des abeilles ! Sans elles, la vie n’est plus ! Et leur temps est compté. Alors un peu de relativité, Seigneur ! »
Sur « eur », son regard tomba sur la fleur : l’abeille s’était éclipsée en un clin d’œil. La corolle lui sembla vaciller comme un soleil à l’horizon de la mer en pensant aux vers d’A P, qui n’était pourtant pas apicultrice et qui dit en substance que toute fleur garde en son cœur le souvenir d’une abeille disparue.
« Pauvres abeilles ! Pitoyables humains qui attendez la mort du miel pour sauver leurs maîtres d’œuvre ! Trop tard ! Allez, roulons les cymbales. Que nos voix, que nos chants, que nos cœurs soient du miel à l’orée de l’Amer… »
Tandis qu’il soupirait, un meuglement vibra dans l’air torride. Il se retourna et vit l’une de ses vaches répondant au nom tintinnabulant de Mirabelle dodeliner de la tête et balancer son plumet de gauche à droite, comme pour faire jouer les mouches, toute placide. « Oh ma Mirabelle ! s’attendrit-il en avançant vers elle. « Allez, dit qu’ta brouté l’herbe par les narines, ma belle ! Il frottait son crâne huppé de ses mains et du nez son mufle spongieux quand un espèce de meuglement rauque suivi d’un souffle et d’un piétinement alerta ses oreilles. Un arbre de Judas à trois enjambées de là le percha le temps de le dire. De là, merveille ! Il vit un seigneurial taureau blanc s’approcher de Mirabelle, mettre les pattes sur son dos et s’adonner à ce qui ressemblait sous ce point de vue à une sodomie. Cela, à quelques minutes à vol d’oiseau de la Sodome engloutie avec sa copine Gomorrhe. Quel toupet ! Mais la bonne Mirabelle ne s’en plaignait pas. Ses globes oculaires abandonnés à un plaisir béat semblaient rouler dans leurs orbites. Du haut de l’arbre, Stanef Noufa excité ne put s’empêcher de frictionner son bijou de famille aussi raide que le bois auquel se cramponnait la main libre.. Comme il tourna son regard derrière lui pour voir si personne n’était là, il vit un trou de pivert, ou de chouette, de la taille d’un étui pénien. Cette ouverture, adoucie par la mousse du bord, le fit vagir dans sa pénétration. Mais voici que sa queue n’était pas enfoncée jusqu’au pied (ou jusqu’au fond selon le point de vue) qu’il perçut des sortes de picotements suivis de ce qui ressemblait à des égosillements d’oisillons la titiller mauvaisement. Il la sortit vivement du nid attrape-saucisse et tomba au pied de l’arbre sans trop se faire mal, hormis à sa saucisse ramollie, mais pas moins enflammée par des orties, autrement dit devenue merguez. Il courut en quatrième vitesse la braguette ouverte sur le serpent dansant et quêtant le grand air, et plus encore, la grande eau. Il plongea illico dans le Jourdain.
Plouf ! – et voilà qu’il se retrouve nez à nez avec une nymphe toute nue émergeant de l’onde. Le bassin sous la surface, comme le sien. Il rougit. Elle rougit. Ses yeux à lui en tombent sur les tombantes prunes aux prunelles dilatées, fières comme des oisillons tentant leur vol au dessus du vide. Son cheveu noir, épais, moutonnant, dévale et flotte autour de ses hanches veloutées comme une harpe sous la surface que soumet un ventre rond, évasé, enfin étoilé comme une étoile de mer ; l’eau semble frémir sous la pelisse obscure en forme de « V » plein, à l’arête duquel se dissimule une double peau satinée, portes du sanctuaire divin. A ce terminus, la contemplation revint au minois ému. La pulpe généreuse des lèvres entrouvertes accentuent l’avancé immaculée des dents, la langue pointe comme un clito coincé, un nez mignon et généreux déploie des ailettes gonflées, des cils s’élèvent comme les ailes d’un corbeau au-dessus de yeux languides trempés dans l’émeraude et l’opale. Quoi d’autre ? Ah ! les oreilles ! Ourlées, décollées sous la chevelure, elles n’en sont pas moins belles. Et cette peau caca d’oie sur cette grâce de cygne, elle allait pour peu être omise de cette déjà trop longue description, alors qu’elle irradie son corps, le sublime, faisant tout à coup penser à Stanef Noufa que cette beauté, c’est la Sulamite. Pas de doute. « Je suis noire, mais belle », crie son corps. Soudain, sa bite émerge de l’onde, comme un bâton de Vénus, comme le sceptre du roi David devant Bath-Sheba au bain. La bouche de la Sulamite fait alors un rond de stupeur. Stanef Noufa encore troublé par la vue nymphique s’éveille enfin et son regard s’égare et trébuche sur son bout gonflé à bloc qui sans crier gare arrose en longs jets ingénus la jolie figure de praline. Après quoi, il se sauve bien naturellement la bite mi-roide au vent et dégoulinante encore de la visqueuse semence. Vous voyez devant vous une sulamite sans voix, une bouillerée de praline dans la bouche et à l’entour, une entre les grenades, et une enfin sur le bas-ventre qui coule amoureusement vers l’eau. Maintenant, des bulles font un long glou-glou dans le Jourdain. Comme, traîtres, elles éclatent d’une mort aussi spontanée que bruyante et puante au grand air vicié du Zor* ! Stanef Noufa est loin. Quelques 40 mètres plus haut, il gambade dans le Ghor* stérile. « Quelle gazelle ! Mais qu’est-ce qu’elle sue la bite ! » pensa t-il.
– Ohé ! entendit-il alors en écho dans les collines nues, je m’appelle Bath-Kebab. Reviens ! T’as oublié tes vêtements !
– Moi, c’est Stanef Noufa, et j’ peux être violent !
– Bah, viole-moi alors !
– Non, j’ peux pas être violent avec la Sulamite.
Les deux voix se répondaient dans le désert comme celles d’engoulevents (caprimulgus nubicus) cachés dans les tamaris.
« Eh ! T’habite où ?
Ton cul !
Ça te dérange pas si je pète ?
Si ça résonne dans le Ghor, t’es forte ! »
Elle émit.
« T’es très forte ! » fit Stanef Noufa.
Plus de 500 m de distance et de dénivelé les séparaient, et pourtant, la profonde vallée de marne avait sonné comme les trompettes de Jéricho. Il la voyait, lointaine et limpide sous le soleil rouge, lui faisant du charme dans l’eau qui lui était tombée jusqu’aux chevilles. Elle le voyait, lointain et timide sous le soleil, accroupi nu sur une muraille plombée et rougissante des rayons du couchant.
« Alors, et toi ?
Quoi ?
Tu pètes ?
Ouais, mais j’ai pas envie.
Il entendit un rire cristallin fuser jusqu’à lui.
T’as peut-être envie d’autres choses ?
Quoi ??
Fais pas le sourd ! Allez, viens !
Quoi, j’ t’ ai dit que j’avais pas envie.
Menteur ! J’en ai la preuve sur mon corps que t’en a envie.
J’ vois rien.
Bah moi j’y vois bien. Ça colle à ma peau comme écaille de poisson. Tu sais, tu pourrais me transformer en sirène avec ta queue…
J’fais pas des miracles, et puis…
A ce moment de la conversation, comme par miracle, les voix semblaient rapprochées, ne demandant aucun effort vocal.
« Et puis ?
J’suis comme Jésus !
Bah dis-donc, j’ savais pas, en fait de miracles, que Jésus jutait si bien !
Tais-toi.
T’es puceau, c’est ça !
Qu’est-ce t’as, la puce !
Tu sais, c’est pas un problème, on peut arranger ça. Et puis, Jésus… C’est pas dit dans la Bible qu’il était puceau. Ça se serait su…
Comme Jeanne la Pucelle, c’est ça ?
Elle tendit ses vêtements.
Bon, alors, tu viens les prendre, Jésus, oui ou merde ?
Merde !
Tu veux rentrer chez toi comme ça ?
Oui ! alors lâche-moi, Sulamite de mes couilles !
Et roi, Jésus de mes couilles, viens prendre mes grappes ou j’ t’ assomme avec !
Stanef commença à faire une imitation du Cantique des Cantiques, jeu qui ne resta pas sans écho :
O ma colombe, ma toute belle Sulamite… J’ai dit : « Je monterai au palmier, j’en saisirai les rameaux. Que tes seins soient comme les grappes de la vigne, le parfum de ton souffle comme celui des pommes, et ta bouche comme un faon exquis …
… qui coule aisément pour mon bien-aimé, qui glisse sur les lèvres de ceux qui s’endorment. Je suis à mon bien-aimé, et c’est vers moi qu’il porte ses désirs. Viens, mon bien-aimé, , sortons dans les champs, passons la nuit dans les villages. Dès le matin, nous irons aux vignes, nous verrons si la vigne bourgeonne, si ses bourgeons se sont ouverts, si les grenadiers sont en fleurs. Là, je te donnerai mon amour.
Tes deux seins sont comme deux faons d’une gazelle.
C’est la voix de mon bien-aimé ! le voici qui vient, bondissant les montagnes, franchissant les collines. Mon bien aimé est semblable à la gazelle ou au faon des biches… » Putain ! tu dévales ou t’attends le déluge ?
Je chie !
J’ai rien entendu !
Elle rigolait tout ce qu’elle savait.
Je chie !
– Ah ! Jésus chie ! Tu vois, c’est pas dans les évangiles que Jésus chiait comme toi, et pourtant, tout fils de Dieu qu’il était, il est venu sur terre en chair et en os, et puisqu’il mangeait et buvait, il chiait et pissait. On ne se l’imagine pas, et pourtant, c’est aussi vrai que logique. Et comme le capitaine Boudin est annoncé par un petit vent qui passe entre deux montagnes, il est évident qu’il pétait aussi. Tu peux imaginer Jésus avec ses disciples en route pour Caphernaüm où il devait ressusciter la morte enfant : tout à coup, il y a une boule puante dans l’air ; tous les disciples se disputent pour savoir le coupable : « C’est toi, Pierre », dit Jean. Pierre répond : «Non, sur notre Seigneur, c’est pas moi ! – Si. Avec ton franc-parler, ça peut être que toi, fait Jacques. – Non, répond Pierre, moi quand je pète, c’est des bombes, pas des boules ! » Et les deux frères accusateurs, voilà qu’il se prennent la tête : « C’est toi, Jacques, tu n’auras pas la première place dans le Royaume… » Et Jean : « Mensonge ! C’est toi ; Les menteurs n’hériterons pas du Royaume de Dieu… » Et voilà Pierre qui les sépare au moment où ils commencent à se battre : « Oh- Oh ! j’ vais en prendre un, moi, pour taper sur l’autre ! » Et les mêmes scènes se font entre les autres disciples, et soudain, tous se tournent vers Judas dans un coin : « C’est toi, Judas, traître ! » Et lui : « Moi ? J’ m’ occupe des finances ! » Pendant ce temps-là, Jésus, qui s’était fait invisible était mort de rire. Tout à coup, les disciples sentant son absence s’écrient en chœur : « Jésus ! Maître ! Seigneur ! Notre Sauveur, où es-tu ? » Jésus, en un clin d’œil s’auto-transporte sur un mamelon : « Mes frères… Je suis là. » Tous tombent à genoux : « O Fils du Très-haut, nous avons péché, Jésus... » Jésus : « En quoi mes pêcheurs d’hommes ont-ils péché ? Je vous le dis aujourd’hui, il n’y a pas de péché à péter. Votre père, lui-même le sait. » Tous les disciples rassurés se lèvent : « Jésus ! Toi tu sais qui a pété ? – Oui, en vérité je vous le dis : les premiers seront les derniers, et les derniers les premiers. Que le ciel en soit témoin, puisque c’est moi qui ait lancé ce sujet de discorde parmi vous, pour mettre à l’épreuve votre foi. » Pierre s’avance et dit : « Mon Maître, c’est ce que je leur ait dit, que c’était un miracle du Ciel ; mais eux ont répondu que ça ne se pouvait pas, puisque c’était un miracle de mauvais goût… » Et Jésus levant les bras vers le ciel : « Pierre, les fayots n’hériterons pas du Royaume du Père. Mon Père a voulu hier que je multiplie les poissons pour que mon foie mette à l’épreuve votre foi en l’Homme. Ce n’est pas pour rien que Dieu lui a fait mangé du fruit de la connaissance du bon et du mauvais. – C’est une nouvelle parabole, doux Jésus ? – Oui, et la meilleure : « Toute vérité pue. Et je vous le dis aujourd’hui, on me clouera pour ça. » Ah ! Quel silence s’abattit sur l ‘Araba ! un nèsher à tête blanche plongea dans l’eau ombrée de Galilée, et en quelques puissants coups d’ailes, il ressortit un trophée écailleux entre les serres. Trois ou quatre battements avaient suffi pour le rendre assuré dans son élément. Mais un coup de queue sec, et le poisson lui échappait dans un plouf d’adieu. Tandis que les ronds du point de chute se multipliaient jusqu’à former un gros œil moqueur en signe de défaite, l’aigle poussa un cri strident avant de disparaître vers la Mer Morte. Et Jésus et ses disciples entrèrent au village de consolation.
« You-Hou ! » que fit Stanef applaudissant. Puis : « Yip ! Yip ! Yip ! » La vallée exultait sous les ovations. « C’est que tu la connais mieux que moi la Bible, Bath-Kebab !
A ce nom, elle se tordit de rire et dit:
« Kebab ! Ey ! C’était une boutade de basse altitude. Sheba, mon chéri… Bath-Sheba!
Et elle ajouta :
« Pour l’épisode inédit, j'ai lu entre les lignes de ce que Jean in principio a écrit dans son évangile. N’a t-il pas écrit que Jésus a fait encore beaucoup d’autres choses, et qui si on allait dans les détails, on aurait pas assez de papier sur terre pour les écrire ? Alors, je les imagine autant que je peux. Pour moi, certains détails sont essentiels. Une grande partie de la Bible reste inconnue et a été soit mal traduite, soit mal interprétée, voire censurée. Tu vois, il y a des choses claires pour moi maintenant comme la source du Jourdain.
Comme quoi, à part les pets ?
Eh bien, Jean, qui a écrit l’évangile le plus vrai et le plus humain, celui aussi le plus grand en amour ne dit jamais « je », mais a écrit dans un verset qu’il était le disciple que Jésus aimait, dans un autre que Jean était étendu devant le sein de Jésus, et que Jésus l’aimait ; deux autres fois on trouve cette expression, et dans un autre, il parle de l’ « autre disciple », celui « pour qui Jésus avait de l’affection », et puis quand Jésus ressuscita, il raconte, toujours en disant « l’autre disciple » qu’il courut avec Pierre vers la tombe de souvenir, mais qu’il le devança et arriva le premier. T’interprète ça comment, hein !
Tu crois que… Tu rigoles !
C’est ça. Tu remarqueras que son évangile baigne dans l’amour. Jamais tu n’y trouves des paroles de jugement comme Paul plus tard le fera en pointant du doigt les homos. Il n’a pas connu Jésus en dehors d’une certaine vision, si on en croit ses Actes. Il a dit des choses que Jésus n’avait pas dite et qu’il n’aurait jamais dite. Et si Paul, l’apôtre repenti, n’avait pas dit ce genre de paroles, le monde s’en serait mieux porté. Il n’y aurait pas eut toutes ces outres remplies de peur et de mort, semant partout autour d’eux la peur et la mort. Oui, et en plus, tu sais quoi ?
Non, vas-y !
Non, c’est des conneries. J’allais dire que si ça s’ trouve, Jésus est resté puceau toute sa vie pour avoir déclaré publiquement sa flamme à Jean, ce qui provoqua un scandale parmi les juifs qui s’arrangèrent pour le faire crucifier, non pas, malgré ce qui est écrit, en roi des juifs, ce qu’il n’a jamais prétendu être, mais en roi des pédés, et que ça s’ trouve, l’exil de Jean sur l’île de Patmos a un rapport à cette affaire et que son Apocalypse, plus exactement la Révélation n’est autre que le Cantique des Cantiques déguisé, hermétique, d’un fou amoureux et désespéré se disant son « esclave Jean » qui a reçut de l’ange du Christ les signes de son retour… Mais c’est des conneries. Il y eut sans doute entre Jésus et Jean qu’un amour platonique, ce qui est aux yeux de la Religion déjà un blasphème.
Bon Dieu ! Quel message !
Le « message » du Christ a fait couler beaucoup d’encre, et beaucoup de sang. Jésus n’a laissé aucun message. Il a été toute sa vie lui-même et à laisser vivre les autres de même. Si il y a un message, il n’est ni religieux, ni moral, ni politique, ni économique, bien qu’il fut économe en paroles ; il est humain. Il n’a pas dit d’aimer ses ennemis, il a montré qu’il était possible d’en avoir aucun à part soi-même, la paix dans le cœur ; il n’a pas dit : « Aimez-vous les uns les autres, il a montré qu’il était possible de se supporter ou plutôt de s’entendre dans l’indifférence de la différence, et même, qu’on pouvait aimer cette différence ; il n’a pas dit que qui ne travaille pas ne mange pas, il a montré qu’il était possible de vivre d’un minimum d’activité, sinon il serait resté charpentier ; il n’a pas dit de croire en Dieu, il a montré qu’il était possible de croire en soi et aux autres, en l’humain ; il n’a pas dit d’attendre des miracles, il a montré qu’il était possible d’en faire ; il n’a pas dit de prier Dieu, il a montré qu’il était possible de s’en passer ; il n’a pas dit d’amasser des Trésors dans le Ciel, il a montré qu’il était possible d’en amasser sur la Terre ; il n’a pas dit de ne pas tuer son prochain, il a montré qu’il était possible de ne pas le faire ; il n’a pas dit d’obéir à son père et à sa mère, il a montré qu’on pouvait les respecter sans leur obéir ; il n’a pas dit de tendre l’autre joue si on te frappe, il a montré qu’on pouvait tendre l’autre joue sans être frappé à nouveau ; il n’a pas dit que la femme était un vase faible, il a montré qu’il était possible qu’elle soit un vase fort sans queue ni couilles entre les jambes ; il n’a pas dit de faire vœu de chasteté, il a montré qu’on pouvait être pur en baisant, même « comme une bête » ; il n’a pas dit de faire vœu de célibat, il a montré qu’on pouvait ne pas être célibataire toute sa vie ; il n’a pas dit d’être heureux, il a montré qu’on pouvait l’être dans la mesure du possible ; il n’a pas demandé l’impossible, il a montré des possibles…
Tu crois que c’est possible que Jésus était anarchiste ?
Ha ! Ha ! Anarchiste ! Je l’attendais celle-là ! Ce mot est vide de sens, mon coco, spécialement parce qu’on en fait un épouvantail en disant que c’est le contraire de l’ordre. Mais si ce que j’ai dit est vrai, si Jésus est venu pour abolir la Loi, s’il a refusé d’être le Roi des juifs qui les délivrerait de la tyrannie de César, s’il a refusé de répondre aux questions de Pilate, alors, je ne sais pas comment appelé ça, mais ça y ressemble. »
Le soleil maintenant embrasait le Jourdain, et son or embrassait le corps métisse et moite de Bath-Sheba dont la tête abandonnée au ciel humait l’air de toutes ses narines, les bras levés laissant découvrir sans pudeur ses aisselles noires, les seins fièrement mis en avant comme les pommes jumelles d’Eve appelant la bouche d’Adam. Stanef l’admirait dans la pénombre. Ses yeux écarquillés brillaient d’émotion et de joie. Il se leva enfin et cria de son promontoire :
« Si je suis Jésus, tu es Jésuette ! »
Elle le fixa et lui répondit après un temps :
« Non. Je suis Jeannette, pour te baptiser !
– O Bath-Sheba, tes paroles sont du miel pour mon cœur.
– Allez ! N’attends pas plus, viens, maintenant… Faisons le miel !
– J’arrive ! je cours, je vole butiner ton nénuphar !
– Fais gaffe aux surprises salées, mon bouchon !
Stanef dévala le Ghor aride, Quattara*désolé et dégringola dans le Zhor fertile, d’où, trébuchant sur une pierre, il chuta et se retrouva la tête sous l’eau, coincée entre les jambes de Bath-Sheba, où il sentit les délices inouïs d’une chair inconnue et sensitive, n’était-ce que par les spasmes que le rire imprimait à son corps, où il sentit enfin sa tête prisonnière de sa main câline. Un instant, il crut rêver. Pressé doucement entre les coussins de ses cuisses, le nez fourré dans son épaisse touffe, la langue étreinte par deux doux boudins, le tout ayant amorti délicieusement la chute, notre homme se trouvait comme un poisson dans l’eau. Tout avait été très vite entre le « J’arrive » et l’arrivée. Il s’était senti réellement porté dans sa descente, évitant, sa tête perdue dans les étoiles et les yeux dans le vide, tout obstacle épineux sur son chemin. Mais lorsqu’il atteignit le gué, ne pouvant éviter la vue de la sirène, il s’était pris le pied gauche dans un ridicule caillou, et après un vol plané digne de l’aigle, ou, mieux, d’un faucon, il s’était retrouvé là où on sait. Là où , à plat ventre dans l’eau, il faisait l’expérience d’une bandaison de taureau sans pareille, la bite entre deux gros galets moussus. Enfin, sentant le poisson faire des bulles nerveuses, la Sulamite desserra l’étau divin et stoppa l’immersion par une tranquille remontée à l’oxygène, quasi magnétique. Un peu étourdi, il aspira à plein poumons une bouffée, coupée nette malheureusement, au moment même où il recommençait à reprendre ses esprits, par la vue de deux bambino*. A cet instant, deux colombes roucoulèrent en passant tels des anges au-dessus de leurs têtes ; nonobstant*, il ne vit, lui, rien, et ne sentit rien non plus d’une présence surnaturelle sinon un petit vent de la douceur d’une plume, juste ce qu’il faut de chatouilles pour insuffler un regain* d’esprit ; et elle, maîtresse du foyer, qu’allait-elle lui infliger encore ? Elle ne trouva rien de mieux que de lui plonger ad hoc le visage dans la vallée ballonnante. « A Dieu vat, ad libitum, Rabbi ! » fit Bath-Sheba (qui connaissait bien son latin) en la lui pressant comme un citron. Une traduction approximative donne : « A la grâce de Dieu à volonté, mon grand ! » Cette nouvelle captivité ne put lui faire que machouiller : « Rabbounini ! Rabbounini ! » qui est la formule féminine du Rabouni » hébreu signifiant « mon enseignant ». « Rabbounini ! Rabbounini ! répétait-il comme un radeau médusé sur mer d’ivresse. Mais, rien à faire : il était captif de ses seins. Lorsque par un coup de mains il en fut délivré, ce ne fut que pour investir le bout de ses mamelles zyeutantes, la langue dardée, tantôt à lécher, tantôt à tournoyer, à battre tant et tant qu’il finit par ne plus savoir où donner de la tête entre les deux, et si Bath-Sheba n’avait pas fait à temps le coup du mamelon rentrant, comme ça – tac ! – en avant, sec ! il est pensable qu’il y aurait épuisé ses forces et que sa tête aurait de nouveau plongé dans l’abîme moelleux pour cette fois-ci ronfler à son aise. Mais l’amazone avait plus d’une corde à son arc, et savait se couper un sein pour mieux le bander. Aussi le vit-elle calmé à la tété. « Moura, moura (doucement, doucement) » lui chuchotait-elle à l’oreille de temps en temps. Quand il lui coula goulûment dans la gorge trois gouttes de lait, tandis qu’il pelotait en même temps le nichon jumeau, il se sentit tellement en Terre promise qu’il sortit un petit piaulement étouffé au fond du gosier. Bath-Sheba comprit. Elle vit le bâton du bonheur, là, turgescent sous elle, se contracter comme une promesse d’arrosage immédiat. « Hop ! hop ! mon gros oiseau ! », et deux doigts experts et véloces mirent frein à la moutarde. Alors, il la mira, ébahi de tant de savoir, et elle le reluqua avec le sourire qui dit qu’elle sait, et qu’il saura bientôt. « Patience... », susurra t-elle. Lui tira t-elle doucement la queue vers elle ou bien l’attira t-il à elle en lui prenant la queue ? Toujours est-il qu’ils se retrouvèrent face à face, qu’ils s’embrassèrent longuement et eurent beaucoup – pas encore d’enfants – de plaisir, de plaisir… oui, à se faire plaisir ! du plaisir, oui, à se faire jouir ! de plaisir à s’en faire rire, même, lorsque les langues jouent à cache-cache où à tirez-la-saucisse-et-je-vous-l’attrape ! De fait, ce n’étaient là que les prémices des jouissances du prépuce, du clitoris et de l’anus et autres merveilles. Ineffables, précisons-le.
Faut-il continuer de narrer ces aventures érotiques ou y mettre aussi le frein avant que le lecteur ne soit arrosé de crème à la praline ou à tout autre parfum de votre choix ou de votre cru ? Où est-il préférable de lui faire pleinement confiance – l’auteur déchargé de toute responsabilité d’invitation à la concupiscence – en lui abandonnant toutes initiatives positivement saines ? Il serait, pensez-vous, bienvenu de rappeler qu’un écrivain est tenu de ne pas frustrer le lecteur ; qu’il est de son devoir, d’user de son pouvoir en faveur de la vérité, toute la vérité ; qu’en vertu du code 5 4 3 2 1 de la charte civique, il est libre en tant que créateur et protégé de toute censure, que donc… – Cochons !
Cependant, ne soyons pas injustes envers tant de cochonnes qui soupirent dans l’ombre en attendant la suite (peut-être dans leur bain).
Poursuivons.
Quarante mots, avant :
Les personnes qui se prétendent réfractaires sont priées d’attendre, bien qu’elles puissent fermer leur bouquin sans nuire à la suite des évènements qui, espérons-le, feront couler plus de liqueurs corporelles que d’encre critique (élogieuse ou scabreuse).
Et si il y avait un titre à donner à ce chapitre crucial de l’histoire de cet inédit Stanef Noufa et de cette charmante et charmeuse Bath-Sheba, ce serait, tiens, celui qui part, comme ça, sans tambours, ni trompettes : « Faites vos guéguerres et laissez-les à leurs moumours. »*
* N. D. A : Il est patent que la lectrice ou le lecteur éclairé de notre Age lumineux aura saisi de soi la boutade de cette digression commémorative d’un Age obscur et périmé.
Continuons.
Disons – en préambule propice à se remettre dans le bain vite fait et bien fait, et par l’opportunité d’une phrase tape à l’œil d’une lecture enfantine – que comme le chien Capi dans Sans Famille : « Dans sa queue seule, il y avait plus d’esprit et d’éloquence que dans la langue ou dans les yeux de bien des gens ».
A voir sa queue grossir et s’allonger amoureusement, à la voir se tétaniser par des poussées convulsives de haut en bas, à voir le gland se gonfler et se dégonfler spasmodiquement, à voir si saillante l’arête de celui-ci, son épiderme si lisse et si luisant, à voir son méat s’ouvrir et se fermer comme un corail, à voir le pourpre de la peau tendue tirant au violet, à voir les couilles prendre leur volume nuptial et remonter jusqu’à l’aine, à voir tout cela, et à sentir le fumet mâle des bourses et surtout du bourgeon qui dans son émanation enivrait ses narines, Bath-Sheba fut si émue qu’elle se pencha, saisit la perche offerte, et par ses flatteries tactiles mit sa queue pour ainsi dire, non plus en branle, mais en transe, hors d’elle, dans un état second, mais en même temps dans l’impossibilité d’éjaculer la plus petite cuillerée de sirop de coco.
La manœuvre accomplie, la jouissance consommée, les deux soupirants s’assoupirent. Ils étaient gagas de volupté. Leurs deux corps dorés étendus côte à côte étincelaient à la lueur de la lune et des étoiles, et de toute leur sueur, ils exhalaient la santé.
Bath-Sheba encore haletante pris la main de son amant dépucelé – aussi à bout de souffle, et comme aimantés, leurs deux têtes étoilées firent un face à face, et leurs yeux roulèrent une pelle. « T’es belle », disaient les yeux de Stanef ; « T’es beau », ceux de Bath-Sheba, sa main serrant la sienne. Le vénéré avait tant chaud au cœur, que, sans signe avant-coureur, telle une tempête dans l’embellie, il lâcha soudain un pet sonore qui alla vibrer jusque dans leurs mains.
– Rouah-a’ !
Qu’est-ce ça veut dire? En hébreu, cela veut dire : « Quel vent !» Il évoque le moment du jour où souffle la brise (rouah), juste avant le coucher du soleil, que l’on retrouve dans la Genèse, après que l’homme (« rouge ») et la femme (« vivante ») – Adam et Eve – se firent un pagne pour couvrir leur honte d’avoir les yeux ouverts. Alors, nous dit la Génisse (pour changer de la Genèse), ils entendirent le bruit de Yah’El (« vent de Yah » ou « Yah-Dieu ») passant (d’autres versions disent « se promenant ») dans le jardin à la brise du jour, et Adam et sa femme se cachèrent devant Yah’El parmi les arbres du jardin. Mais Yah’El appela Adam et lui dit : « Où es-tu ? Il répondit : « Je vous ai entendu dans le jardin, et j’ai eu peur » […] » Nous arrêterons ici la citation – de peur d’être trop long – mais apprends ô lectrice, ô lecteur – que Dieu te prenne en sa miséricorde – qu’il y avait dans le concis « Rouah-a » de Bath-Sheba tout le chapitre 3 de Beré’shith dans son essence, en plus du comique de situation. Vous comprendrez que Stanef, qui pourtant pouffait de rire au milieu de l’esclaffement enfantin de Bath-Sheba, déclara dans un sursaut de pudeur « sacrée » ou peut-être à cause d’une une noisette résiduelle de culpabilité originelle :
– Ne blasphème pas contre le Saint-Esprit, ma chérie.
Bath-Sheba était consternée. Lui qui avait balancé cette ineptie pendant l’acte : « Ta moule vaut bien le Tamuld », à laquelle elle avait répondu : « Ta bite vaut bien le Coran », le voilà faire la fine bouche !
« Ecoute, mon nounou… Un esprit sain nous habite.
Il pouffa.
« Non, mais je suis sérieuse. Ne soit pas effrayée par ce qu’on t’a appris. L’esprit de Dieu est partout, il est tout amour.
Il est tout humour, aussi ?
Oui, tout comique, et il ne permet pas que ses créatures faites à son image souffrent en son nom. C’est cet esprit qui nous a donné son rire en baume de notre condition. Un cœur pur ne peut faire du mal à Dieu, en rien, quel que soit l’objet de son rire. Mais ceux ou celles qui étouffent le rire propre à l’homme…
Et à la femme ! interrompit allègrement Stanef.
Bath-Sheba émit un rire bref, vite résorbé par ses visions d’amour :
« Et à la femme… oui… C’est comme si ils lui lançaient à la face : « le rire est le sale de Dieu ! » Alors, dis-moi, c’est qui qui blasphème : la personne qui parle des pets de Yah ou celle qui prêche : « Le rire est le sale de Yah » ?
Ces mots éclatés comme une grenade, sa poitrine se gonfla et se dégonfla dans un sanglot.
« Pardonne-moi, mon amour… »
La grosse patate de son cœur éclata aussi en larmes sur sa boulette.
« Allalouya ! Yaloualla ! »
Mon amour…
Yaloualla ! Allalouya ! continuait-elle de gémir.
Ma colombe… fit-il. Comme il la cajolait, Bath-Sheba s’abandonna dans ses bras comme Galilée aux lois de la pesanteur.
Mon colombin…
C’est ainsi que du milieu des larmes fuse le rire.
Alors, Bath-Sheba passa une main sur ses larmes mêlées, et toute sémillante pressa son amant.
« Quoi, ma douce colombe…»
Et là, elle le perça d’un beau regard complice, et enserrant doucement son arum immaculata lui susurra :
« Est-ce que tu veux découvrir l’Amérique ?
Ça fait un baille quelle est découverte, et puis j’ suis pas Christophe Colomb, et puis bonjour les massacres !
C’est une métaphore mon chéri.
De quoi ?
Elle baissa intentionnellement ses yeux sur sa banane provocante :
« De mon cul, mon petit Colomb… »
Hein ?
Prends mon cul, mon amour…
Tu…
Oui, s’il te plait.
C’est…
Tu sais, faut pas craindre le caca. Un cul qui s’offre à l’amour de son amant, ça se lave. Tu entres pas dans le Très-Saint à l’envolée, comme ça : houla-hop !
C’est de la so…
Dans un soupir, Bath-Sheba tourna ses yeux vers la lune au-dessus d’elle :
« Appelle-ça comme tu veux. Moi, j’appelle ça remplir la lune. »
Les yeux de Stanef grandirent en voyant son amante rêver à la pleine lune. Son œil se fixa sur l’orbe virginal. Il sentit la sève monter.
« Je remplirai ta lune de miel, ô ma sulamite ! » déclara t-il enfin solennellement.
A ce verdict, le cœur de Bath-Sheba battit la chamade en même temps qu’une petite contraction anale l’émoustillait. D’une voix mouillée elle dit :
– C’est la première fois.
Il y eut un bref silence, suivi d’un Ouh-lou-lou d’une chouette, suivi de :
– Moi aussi.
Inutile de dire l’effet.
La nuit sera chaude ! poursuivit Stanef les bras ouverts et les mains tendus vers le trou de balle lunaire.
Et pleine sera la lune ! renchérit Bath-Sheba dans un même jeu théâtral.
STANEF : Pleine d’étoiles !
BATH-SHEBA : Pleine de miel !
STANEF : Pleine de soleil !
BATH-SHEBA : Pleine de soleil, de miel et d’étoiles !
STANEF : Pleine de miel étoilé de soleil !
BATH-SHEBA : Pleine d’étoiles ensoleillées de miel !
STANEF : Pleine d’étoiles emmiellées de soleil !
BATH-SHEBA : pleine de soleil étoilé de miel ensoleillé !
STANEF : Pleine de soleil étoilé de miel ensoleillé par notre amour !
BATH-SHEBA : Laboure-moi, mon amour ! Bourre ma lune de miel ! Fais la ruisseler ! Oh oui, jouis en moi et fais-moi jouir !
Là vous pouvez vous représentez Bath-Sheba, la tête reposée à terre, le cul levé vers le ciel, en équilibre sur trois pattes, la troisième étant occupée à étendre sur sa lune rose étoilée une gousse de vaseline de Guiléad jaune verdâtre qu’elle préleva directement d’un bèsèm*, le Commiphora gileadensis*, que, soit dit en passant, la reine de Saba devait user beaucoup puisqu’on le trouve dans la liste de cadeaux qu’elle fit à Salomon… Totalement détendue, elle prenait son temps, et à la berceuse qui roulait sensuellement dans sa bouche, il appert qu’elle y prenait son pied.
Et c’est là qu’une petite parenthèse s’impose de plain-pied :
Jadis, si vous vous souvenez bien, on ne pouvait citer des paroles sans payer des droits d’auteur. Aujourd’hui, on en rit. Quand on repense au fait que même des créateurs contant oralement un récit de leur cru devant un public devaient payer des droits d’auteurs, on s’écrie : « J’hallucine ! ». Aussi, le refrain de cette chanson étant vital pour la bonne réception de cette histoire, je n’ai pas à me soucier comme nos ancêtres arriérés d’avoir à rétribuer P O, je n’ai pas besoin de m’écrier : « Que n’est-il mort depuis trois siècles, devenu classique de la chanson d’amour, et donc exploitable à merci ! »
Voici donc ce que chantait Beth-Sheba en s’appliquant son baume d’amour :
C’est pas écrit dans les livres
Le plus important à vivre
Le temps, c’est de l’amour
On peut maintenant admirer la taille dionysiaque du bâton lunaire tendu vers elle, à la hauteur de l’émotion de l’amant sans mollesse. Son amante le sentit-elle ? Tournant sa tête vers lui, elle vit le vit, le sceptre ailé, l’objet broute-en-joie, et – me pardonnerez-vous tous ces détails ? – de son même index étala, en observant ses réactions, une autre noisette de crème fraîche sur le gros gland grossissant encore sous le patin. Et lorsque pour achever le travail elle fit glisser du gland aux roulettes sa main crémeuse, la hampe sembla s’allonger à mesure de la descente, et le bout, ce n’était plus un gland, c’était une pomme. Un pomme sans queue qui s’impatientait devant le trou, le tendre, sensitif, éruptif cratère donnant aussi signes de fièvre.
« O pomme volcanique au brûlant magma, épanche ta blanche crème entre les monts du Carmel !
O cul divin, divin cul ; lune aux enchères, lune en jachère, ô chère lune, accueille en ton sein la rotondité de mon bâton à fouir, la longévité de mon bâton à miel…
O bite de taureau, ô bite de cheval, ta bite d’amour est en cavale !
O trou de balle qui m’emballe !
Ce dialogue télépathique entre le cul et la bite, fut bientôt interrompu par un mot :
« Prêt ? »
Une contraction involontaire de la bête vers le nombril semblait une réponse claire et inquiète pour Bath-Sheba qui donna alors une becquetée remonte-couilles.
Ça va aller, tu va voir.
Sûr qu’ça va aller…
Fais-toi Bouddha, mon trésor.
Stanef croisa ses jambes.
Respire bien.
Je croyais qu’on allait faire comme les bêtes ?
Gros bêta. Je vais te montrer qu’on est pas obliger de se mettre à quatre pattes. Respire bien.
Ce disant, la diva Vanus de Luna chevaucha son soleil bandant, agrippa une main à une épaule mâle et d’une autre érigea sous sa croupe plongeante la brûlante stèle de chair. Alors, mes amies, mes amis, elle plongea ses yeux pers dans ceux bruns de son amant-dada, et d’une descente plombée du bassin s’enfonça le cul sur le pilon. Il était difficile de savoir lequel des deux, entre le soleil et la lune avait promptement et proprement englouti l’autre. Mais c’était bien au fond. Ç’avait été comme une faille de la croûte terrestre s’ouvrant sous leurs pieds. Le sanctuaire avait tremblé.
Ce fut alors, ô sœurs humaines et frères humains, ce fut alors qu’ils connurent le légendaire septième ciel. Mais – ô humanité, ô divinité – ce fut sans doute un ciel de trop.
Ils ne virent, ni n’entendirent l’apocalypse arriver – cataclysme au visage de Guerre, eux qui baignaient dans l’amour oublieux du Grand Monde.
Etais-ce la colère divine ou la folie humaine cause de leur mort ? Etais-ce pour les uns d’avoir trop conjugué le verbe aimer avec « liberté », pour les autres d’avoir trop conjuguer le verbe tuer avec « amour » qui fut cause qu’une vie double s’en alla en l’espace d’une seconde ? – Plouf ! dans la mort. Etait-ce enfin le coup du destin ou le coup du lapin ?
Il n’est pas du ressort d’un mémorialiste d’y répondre. Il doit se contenter d’exposer des faits. Ceux-ci sont très simples. Ça fait une paire déductive : une bombe était tombé du Ghor dans le Zhor et avait explosé. Cependant, cette paire était enchâssée dans une autre paire qui, elle, donnait un ne sait quoi de profondeur à l’histoire. Un homme de Mars* dans le Ghor avait lancé une bombe qui, nous savons, était tombé dans le Zhor et avait explosé : voilà pour l’élément initial. Une femme et un homme accouplés – il faut croire au mauvais lieu et au mauvais moment – avaient explosés : voilà pour l’élément final.
Va t-on accuser le reporter d’accuser de façon flagrante un manque d’émotion, qui porterait à croire qu’il y a canular ou moquerie – dans les deux cas faisant tomber à l’eau toute crédibilité sur les faits ? Ou va t-on l’accuser d’attentat à la pudeur dans sa complaisance à la description scabreuse de faits « romanesques » et « sensationnels », faisant ainsi des lectrices et lecteurs de fieffés voyeuristes ?
Réponse : Non. Ce paragraphe est, nous le savons tous, une mystification adaptée aux lucioles lumineuses que nous sommes. Aujourd’hui est une fête à la mémoire. Aussi, nous n’avons pas peur d’être crus sans intention cruelle aucune , mais pour graver à jamais dans les têtes non pas une fable mais une histoire vraie, non pas un conte mais un compte rendu, non pas un mythe mais un site historique, non pas une légende, mais de la viande…
Voici ce que de génération et des génération retiendront pour des générations et des générations :
BRAOUM !
Il y eut, en effet, soudain un BRAOUM. Mais nulle onomatopée ne peut survivre à la réalité du bruit. Et pour saisir l’ampleur de la déflagration, il faudrait qu’à ce braoum d’une violence terrible toutes les pages de ce livre d’entre vos mains s’arrachent d’un coup de la couverture et se displachent dans l’éther en dix mille miettes données en pâture aux oiseaux, ou encore que vous fûtes témoins de l’hécatombe de myriades de particules élémentaires rasant Sion et ses pâturages.
Indubitablement, la contemplation, non pas sur écran mais sur le tas de ce carnage, de ce tableau de l’ « anarchie » incarnée, aurait soulevé le cœur le plus musclé, la pompe de n’importe quel despote, commando ou loup de mer, n’importe quel R écorché ou anatomiste, sans omettre n’importe quel représentant du commun des mortels, auxquels il ne suffisait pas – apparemment pour certains d’entre eux – d’avoir cette condition sur la tête : il fallait encore la rendre prodigieusement mortelle… A cette vue, les vaches grasses auraient fondu en vaches maigres. Pas même B F n’aurait tenu à ce bacon immonde baigné dans le sang mulâtre*. Tous les torrides Molok* auraient eu le cul en feu de par ses propres putto. Par de-là la Grande Mer, Dionysos en personne aurait perdu sa queue en fût et Aphrodite sa raison de vivre. Et quoi encore ? Que le ciel en soit témoin : les hémoglophiles seraient comme les égyptiens maudits par la deuxième plaie qui, tout friands de pattes de grenouilles étaient ce jour-là pris de vertige devant leurs monceaux de batraciens nauséabonds ramassés à la pelle et tombaient, là, comme des mouches dans la merde. Il n’y aurait pas de fin aux comparaisons, certaines plus dégoûtantes que les égouts miasmiques : l’Enfer de B J aurait pâli et son Paradis noirci ; le M de I D L aurait eut le mal d’horreur ; les créatures cacatoires et nécrophiles de H P L défèqueraient leurs cadavres puants et gluants ; l’anus de T se serait dilaté jusqu’à éclater sous la pression de l’Anneau T ; les S K auraient vu exaucés leurs plus chers fantasmes, savoureux comme une putride Série Noire ; A E aurait avalé son « on » gros comme une tumeur avant de tomber moribond dans le Grand « On » ; A A aurait enfin vu son rêve théâtral se réaliser comme le pire cauchemar. A H aurait vomi son chef-d’œuvre morbide…
De manière moins fantaisiste, plus concrète, plus réelle, faisons sur le terrain quelques remarques quasi astronomiques. Tout d’abord, l’état de la lune avait l’air unique depuis que le monde est monde : elle qui avait encore, la seconde avant le chaos, illuminé les deux corps enlacés par les feux de l’Amour, semblait maintenant devenue, sans aucun lessivage, plus blanche que blanche. Ensuite, les étoiles ne faisaient plus leurs starlettes, mais paraissaient sur le point de s’évanouir toutes ensemble… toutes ensemble… Enfin, le soleil au nadir faisait pressentir dans son invisibilité une aurore en éternel suspens, et n’avait invisiblement plus à cœur, et à perpétuité, de bronzer les corps oints d’ondines et d’ondins à l’air entraînant d’un Si sexe m’était conté.
Nul dira que c’est trop long ou trop lourd. Une apocalypse vaut bien son poids des mots et son choc de photos. Notre commémoration est de la taille de notre commisération*. Et nos jeux de mots sont un baume de Galaad au jus des maux bileux. Alors by God , nous ne faisons point les bigotes* en s’attachant à l’autopsia (« action de voir de ses propres yeux ») la plus minutieuse. Ceci, ce qui va suivre n’est pas un film gore à l’usage des truies et tout porcin élevés à la farine de porc : c’est un exemple de rose humour « noir » pour sublimer* le mal, le mal d’horreur qui subtilise* nos âmes de flamants roses. Enfin… subtilisaient !
Quels restes tangibles nos deux attachants hérotiques ont-ils laissés dans la vallée du Jourdain ou ailleurs qui puissent tenir de reliques ? Profitons-en pour faire une visite guidée de la Terre Promise et nous rappeler quelques hauts faits. Fabulons.
Ci-gît l’œil droit de Bath-Sheba coincé dans l’anus du cul tronqué, presque cubique, de son amant, l’iris bleu tourné à vide vers le ciel culotté – fait scientifiquement incompréhensible, mais dont le palimpseste* porte l’inscription en filigrane : « comme il y a des miracles de l’Ahava (« amour »), il n’y avait in vitro* aucune raison pour qu’il n’y en ait pas de la Qarav (« ? »). On pouvait crier à la huitième merveille du monde devant cette installation d’art moderne flottant au beau milieu du sel de la Mer Morte.
Le nombre de merveilles mondiales pouvaient se multiplier par deux ou par quatre.
Ci-gît la testicule présumée gauche de Stanef Noufa, où l’on peut voir une incisive de son amante plantée par la racine. C’est un miracle qu’elle atterrit au pays d’Outs, là où vécut Job, à quelque 150 km au sud la Mer Salée, là où il prononça ces paroles terribles : « Oui mes os collent à ma peau et à ma chair, et je m’échappe avec la peau de mes dents » (Job 19 :20).
Ci-gît, vestige célèbrissime, le tronçon anal de Bath-Sheba où est resté intact dans sa turgescence le phallus de son amant, phénomène dû sans doute à sa congélation immédiate dans leur envolée amoureuse avant d’atterrir mystérieusement au sommet du mont Hermon éternellement sous la rosée (quand il n’est pas sous la neige) culminant à 2814 mètres au-dessus de la mer… Au moins un morceau qui aura échappé au bec rapace des ozniyah, (Agypius monachus ou vautour moine, le plus grand des oiseaux de proie rencontrés en Palestine) et des raham (Neophron percnopterus ou percnoptère d’Egypte souvent appelé la poule des pharaons en raison de sa physionomie, et réputé au proche orient comme le charognard le plus répugnant par son affection d’ordures dont les autres ne veulent pas.
Ci-gît le gros nez de Stanef Noufa dont les narines sont pénétrées des deux majeurs de son amante. Ce couple charmant embrasse comme Moïse du haut du mont Nebo un vaste panorama de la Terre Promise, symbole sans doute, d’un repêchage du médiateur, signe d’une revanche sur le passé, par ce sacrifice propitiatoire* à l’abolition de la punition du prophète qui y mourut, en quelque sorte, les doigts dans le cul.
Ci-gît le petit nez de Bath-Sheba dont les narines sont pénétrées des deux rikikis de son amant. Ce couple également charmant repose au faîte du Carmel mouillé et présente une mystérieuse analogie avec l’épisode consigné dans les annales des Rois où il est dit qu’Eliya y pria, peut-être les doigts dans le nez, pour que tombe enfin la pluie, et d’où son serviteur vit un « petit nuage comme la paume de la main d’un homme qui s’élève de la mer » en signe avant-coureur du déluge qui devait suivre, au bénéfice d’Achab.
Ah ! tout ces trophées ne manquaient pas d’air ! Et j’en ai omis un tas de tout le fatras anatomique : les deux belles grenades de Bath Sheba, par exemple, retrouvés toutes deux sur le mont Sinaï, l’une pressée par la main gauche de son amant, l’autre prisonnière de sa propre mâchoire : on peut dire sur ce point, qu’il n’y avait jamais eu d’illustration plus claire de ces vers hermétiques : « les citrons amers où s’imprimaient ses dents ». Chaque organe retrouvé fut reconnu comme un don, et chaque point de chute de ces reliques devint un site sacré s’il ne l’était pas déjà.
Ne pourrait t-on pas dresser une carte de reconnaissance et de pèlerinage ?
[carte des différents lieux de pèlerinage]
Cependant, reconnaissons qu’il n’y avait jamais eu de cours anatomique moins doctoral que celui offert par cette guerre d’identités, cette guerre revendicative, sélective, naturelle, où, dans beaucoup de cas, on avait peine à reconnaître quoi est à qui ; il n’y avait jamais eu dans la Terre Promise, depuis que coule le lait et le miel, de plus beau jubilé, d’hymne plus puissant à l’amour divin, et le Jourdain pouvait littéralement rutiler en chantant : « Allahlouya ! Yahlouallah ! Hayyima hayyim ! (« vive la vie »). Qui pouvait prétendre avoir entendu les paroles du Golgotha : Eliya, Eliya, lama sabaqthani ? (« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné »)? Les oiseaux peut-être ? Peut-être les chacals ? Ou bien les loups ? Où plutôt les chardons, les lauriers-roses ? Les tamaris ? Les peupliers ? Pas les saules par hasard ? Les pleureurs surtout? A moins que ce ne fut les fantômes des lions, des behémoths, des léviathans, et même des diplodocus et des tricératops. Non, voyons, c’est tout simplement la vigne : tout le monde sait qu’elle dit n’importe quoi, qu’elle est folle, la vigne ; ses vrilles en sont garantes ; depuis la nuit des temps elle soûle les étoiles ! C’est d’ailleurs pour ça qu’elles tombent raides mortes, les stareh ; et l’univers ne peut qu’applaudir et s’écrier émerveillée : « Oh ! une étoile filante ! » – Naïveté des naïvetés, tout est naïveté !
Mais aujourd’hui cela est bien fini. La vie est sauvée. L’ère des Ténèbres est révolue. Les oiseaux peuvent à nouveau chanter dans les saules, les peupliers, les tamaris, les lauriers-roses, les chardons, sans crainte d’un nouveau chaos inhumain. Les spectres ont disparu. Lions, hippopotames, crocodiles, diplodocus et tricératops sont à nouveau en paix dans les limbes du Schéol. Stanef Noufa et Bath-Sheba aussi.
Le Testament du premier n’aura pas peu contribué à épanouir nos vies. Quant à Bath-Sheba, je pense qu’elle nous a trop laissée baba pour en faire la palabre*.
Aux dernières nouvelles, le Jourdain se porte bien. Israëliens et palestiniens y font l’amour sans complexe, sans discrimination de toutes sortes, et c’est bien là la sorte que « le sultan et la sulamite » ont laissé un souvenir indélébile de leurs mamours. Nous n’irons pas jusqu’à dire que Stanef Noufa le palestinien et Beth-Sheba l’israëlienne ne seront pas morts pour des prunes, mais au moins il en est résulté quelque chose de bon. D’encourageant, d’enthousiasmant, d’excitant. La non confusion générale, aujourd’hui, entre « pur » et « puritain » qui en dévia malsainement démontre une fois de plu le grand pas de l’humanité dans la voie du progrès « spirituelle », au point que les Terriens ont renoncé à vouloir habiter Mars pour rebleuir et reverdir le monde. Oui, nous sommes en bonne voie de retrouver le Paradis perdu ! Les plaies se ferment. Ce livre peut donc se fermer en paix.
Mais peut-être qu’en allant vous promener le long du Jourdain aurez vous la chance d’entendre la voix du vent vous dire qu’ici un homme a failli de rire s’étouffer en écrivant ce roman. A l’heure qu’il est, cet homme peut remercier son père et sa mère d’avoir conçu un jour – paraît-il dans le Jourdain – le noyau de son génie.
Note de l’Auteur : Je ne sais combien de femmes et d’hommes, je ne parle pas des enfants, auront lu ou liront ce roman peut-être abusivement qualifié d’hilarant par l’éditeur que je salue quand même, ce roman qu’aucun tout pur que nous sommes tous n’aura jugé submersif… Je ne sais non plus combien de fois il aura fait rire chacune et chacun, ni même ne connais le degré et la qualité de chaque rire. Après tout, cela ne me regarde pas, et ma curiosité n’en ai pas trop piquée, non que je m’en foute, non plus que je ne souhaite la quantité en grand nombre, le degré élevé, la qualité extra, mais je suis réduit à l’impuissance devant cette tache divinatoire. En revanche, ce que je sais, et qui justifie (bien que je ne sois pas obligé de le faire) qui « justifie » que j’abandonne ma Plume, c’est qu’à écrire ce minable chef-d’œuvre – oui-da ! – j’ai failli m’étouffer.
Note de l’éditeur :
Ce « roman » n’a pas la prétention d’être en phase avec la réalité en ce qui concerne le conflit israëlo-palestinien qui aurait d’ailleurs une origine plus politique que religieuse – du moins cette dernière sert de prétexte à la première. Mais on voit ailleurs suffisamment de « guerres de religions » pour que ce texte ne soit pas « inactuel ». Aujourd’hui le Jourdain est surtout une fable inspirée de la réalité et de plus loin qu’elle, au point qu’on pourrait écrire en majuscule son origine sans pour autant être un nom propre. Je crois cette histoire suffisamment intemporelle
LEXIQUE
Yébousites : peuple cananéen et montagnard habitant à l’emplacement de l’actuelle Jérusalem sous le temps d’Abraham. Ils faisaient partie des ennemis des Israëlites. Leur nom signifie peut-être « fouler au pied , piétiner ».
Ihéoudim : terme hébreu pour « juif ».
Nephilim : On rencontre ce mot pour la première fois dans la Genèse pour désigner des hommes forts, des hommes de renom « fils du vrai Dieu » qui s’accouplèrent avec les filles des hommes avant le déluge. Ce mot signifie « tombeur ». Il semble qu’ils soient tombés du ciel en anges déchus pour faire tomber les filles. Sous l’époque des rois, les géants comme Goliath étaient appelés néphilim. Il y’en avait un qui avait vingt quatre doigts (2 Samuel 21 : 20).
Zor : Niveau inférieur de la Vallée du Jourdain dont la largeur va de 500 m à 3 Km. C’est là que le Jourdain serpente au milieu de denses fourrés d’aubépines et de chardons, de vignes et de buissons, de lauriers-roses, de tamaris, de saules et de peupliers. On y trouve encore des loups et des chacals. L’été, il y fait extrêmement chaud et humide avec des températures dépassant 38°.
Ghor : Niveau supérieur de la Vallée du Jourdain qu’il domine jusqu’à 46 m et caractérisé par des collines de marne grisâtre dénudées et érodées.
Nèshèr : Mot hébreu pour « aigle ».
In principio : “En principe”
Quattara: à traduire par « Paysage ».
Bambino : mot italien pour « petit enfant ». Ici, Amours.
Bèsèm : huile de baumier.
Commiphora giléadensis : nom scientifique du « baume de Guiléad ».
Mars : Dieu de la guerre chez les Romains.
Molok : Divinité cananéenne dans la Bible à laquelle on sacrifiait des enfants. Molok, ou Moloch désignerait peut-être le sacrifice lui-même et non le dieu.
Etude perspicace des Ecritures , Watch Tower Bible and Tract Society of Pennsylvania International Bible Students Association, 1997
Lucie, chanson de Pascal Obispo.
Cette acrylique porte le même titre qu'un des panneaux du retable d'Inssenheim se trouvant à Colmar et peint entre 1511 et 1516 par Matthias Grünewald et dont elle est inspirée: La Résurrection. Le Christ réssuscité c'est moi même me dégageant d'une croix pesante que tenait la main noire sur moi: Dieu? La Religion? Les deux sans doute, mais elle fait bien référence à une main qu'enfant j'ai senti dans un rêve peser sur mon coeur comme un grain de sable pesant une tonne et contenant l'infini. Quoiqu'il en soit, une aube nouvelle apparaît, je sors nu dans un corps androgyne portant sur ma tête d'où coule une cascade de cheveux un rouge-gorge, oiseau que j'affectionne paticulièrement, mais qui symbolise aussi le Christ, je crois. Sur mon épaule, je porte une femme spectrale d'où s'est envolé une colombe non moins fantômatique - présence angélique en vérité. Plus de 10 ans après, je vois l'oeuvre enrichie: dimension christique de l'être, Bien-Aimée intérieure, montée de conscience sortie de l'Ombre (l'Inconscient)... La figure androgyne porte l'union du masculin et du féminin en soi. Voir escargots. Voir Jung. Voir aussi mon commentaire de Danse.
Trouvez la figure manquante.
La petite odalisque est plus impudique que la Grande. Mais tellement plus drôle!
La Malédiction paternelle (d'après Jean-Baptiste Greuze), été 1999, mine de plomb sur papier Canson format A3.
La petite odalisque (d'après La grande Odalisque de Jean-Auguste-Dominique Ingres), été 1999, mine de plomb sur Canson format A3. Je signale que cette oeuvre a inspiré Picasso de ce que j'en connais. Et Picasso m'a inspiré. Normal!